Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/266

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deux milles de la ville prés du bord de la mer. On a converti une partie de ce bâtiment en Mosquée, le reste est ruiné. Nous n’y trouvâmes que quatre colomnes d’un marbre cendré. Je ne sçai si cette Eglise a été bâtie par Justinien, comme celle de Sainte Sophie de Constantinople ; c’est assez la tradition du pays, mais on ne sçauroit le prouver par aucune Inscription. Procope même n’en a pas fait mention. Les débris de cette Eglise me font souvenir de deux grands hommes qui sont sortis de cette ville, George de Trebisonde, et le Cardinal Bessarion. On convient pourtant que George n’étoit qu’Originaire de Trebisonde, et qu’il étoit né en Candie. Quoiqu’il en soit, il fleurissoit dans le quinziéme siecle sous le Pontificat de Nicolas V. de qui il fut secretaire. Georges avoit auparavant enseigné la Rhetorique et la Philosophie dans Rome ; mais son entestement pour Aristote lui attira de grosses querelles avec Bessarion qui ne juroit que par Platon. Bessarion fut un savant homme aussi, mais ses Ambassades le dissipérent trop. Cela ne l’empécha pas d’écrire plusieurs traitez, et sur tout de faire une tres belle Bibliotheque qu’il laissa par son Testament au Senat de Venise. On la conserve encore avec tant de soin, qu’on n’en veut communiquer les manuscrits à personne, et il faut regarder ce beau recüeil comme un thresor enfoüi.

Quoique la campagne de Trebisonde soit fertile en belles plantes, elle n’est pourtant pas comparable, pour ces sortes de recherches, à ces belles montagnes où est bâti le grand Couvent de Saint Jean à 25 milles de la ville du côté du Sud-Est. Il n’y a pas de plus belles forêts dans les Alpes. Les montagnes qui sont autour de ce Couvent produisent des Hestres, des Chênes, des Charmes, des Guaïacs, des Frênes et des Sapins d’une hauteur