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Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/293

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et sans branches. Si la racine de cette plante étoit charnuë, elle seroit de même genre que le Leontopetalon.

Le 12 Juin nous partîmes à trois heures du matin, et l’on arriva au Conac à six heures avant mihi : Quel plaisir pour des gens comme nous qui ne soupirions qu’aprés des plantes, et à qui on donnoit tout un jour pour en chercher ? Nous ne fîmes gueres plus de trois milles dans cette marche de trois heures, et suivîmes toujours la même vallée, dans laquelle serpente une riviere qu’il faut passer sept ou huit fois. Le lendemain nous ne fatigâmes pas davantage, car on ne marcha que depuis deux heures et demi du matin jusques à sept ; ce fut sur une montagne tres haute où l’on voit beaucoup de ces sortes de Pins qui sont à Tarare auprés de Lyon. On voit aussi, sur celle dont nous parlons, une belle espece de Cedre qui sent aussi mauvais que nôtre Sabine, et dont les feüilles lui ressemblent tout-à-fait ; mais c’est un grand arbre du port et de la hauteur de nos plus grands Cyprés. On nous fit partir ce jour-là, je ne sçai par quel caprice, à onze heures du soir, et nous arrivâmes le 14 Juin, sur les sept heures du matin, à un village appellé Iekmansour. La Lune étoit si belle cette nuit-là, qu’elle invita les Turcs qui n’avoient fait que ronfler tout le jour, à se mettre en chemin : Mais comment herboriser au clair de la Lune ? Nous ne laissâmes pas pourtant de remplir nos sacs ; nos marchands ne cessoient de rire en nous voyant tous trois marcher à quatre pattes et fourrager dans un pays sec et brûlé en apparence, mais enrichi pourtant de tres belles plantes. Quand le jour fut venu, nous fîmes la reveüe de nôtre moisson, et nous nous trouvâmes assez riches. Peut-on rien voir de plus beau, en fait de plantes, qu’un Astragale de deux pieds de haut, chargé de fleurs depuis le bas jusques à l’extrémité de ses tiges ?