Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/306

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les principales sont la soye de Perse, le Coton, les Drogues, les Toiles peintes, ne font que passer en Armenie. On y en vend tres-peu en détail, et l’on laisseroit mourir un malade faute d’un gros de Rhubarbe, quoiqu’il y en eût plusieurs balles toutes entieres. On n’y débite que le Caviar, qui est un ragoût détestable. C’est un proverbe dans le pays, que si l’on vouloit donner à déjeuner au diable, il faudroit le régaler avec du Caffé sans sucre, du Caviar et du Tabac ; je voudrois y ajoûter du vin d’Erzeron. Le Caviar n’est autre chose que les œufs salez des Esturgeons que l’on prépare autour de la mer Caspienne. Ce ragoût brûle la bouche par son sel, et empoisonne le nez par son odeur. Les autres marchandises dont on vient de parler, sont portées à Trebisonde où on les embarque pour Constantinople. Nous fûmes surpris de voir arriver à Erzeron une si grande quantité de Garance, qu’ils appellent Boïa : elle vient de Perse, et sert pour les teintures des cuirs et des toiles. La Rhubarbe y est apportée du pays d’Usbeq en Tartarie. La Semencine ou la Graine aux vers vient du Mogol. Il y a des Caravaniers qui de pere en fils ne se mêlent que de voiturer les drogues, et qui croiroient dégenerer s’ils se chargeoient d’autres marchandises.

Le Gouvernement d’Erzeron rend trois cens bourses par an au Pacha, que nous appellerons dans la suite le Beglierbey ou le Viceroy de la Province, pour le distinguer des autres Pachas du pays qui sont sous ses ordres. Chaque bourse est de 500 écus, de même que dans tout le reste de la Turquie ; ainsi ces trois cens bourses font cent cinquante mille écus. Elles se prennent 1°. sur les marchandises qui entrent dans la Province, ou qui en sortent ; la pluspart payent trois pour cent, quelquefois le double. On exige de gros droits pour les especes d’or