Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/308

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de justice sur les frontieres d’un si grand Empire, lorsque les Commandans authorisent les vexations, et ces gens-là ne les authorisent que parce qu’ils en profitent. Quand on part de Constantinople pour la Perse, la meilleure précaution qu’on puisse prendre, n’est pas seulement d’obtenir un Commandement de la Porte, mais encore des Lettres de recommendation de nôtre Ambassadeur pour les Beglierbeys des frontieres par où l’on doit passer. Les Religieux Italiens sont trop circonspects pour manquer à se mettre sous la protection de nôtre Ambassadeur. Le Roy de France est bien plus connu et plus estimé des Musulmans, que le Saint Pere qu’ils appellent simplement le Moufti de Rome.

Les Missionnaires ont beaucoup gagné à la mort de Fasullah-Effendi, Moufti de Constantinople, qui fut traîné dans les ruës à Andrinople sous le regne précedent. Il avoit part, disoit-on, à toutes les extorsions qui se faisoient dans la Province d’Erzeron d’où il étoit natif, et où il possedoit des biens immenses. Cet homme insatiable qui étoit le maître absolu de l’Empereur Mustapha, s’étoit declaré ouvertement contre tous les Religieux, et sur tout contre les Jesuites. On ne manqua pas de s’informer si nous étions Papas, c’est à dire Prêtres, mais ce ne fut que pour la forme ; car outre que le Beglierbey nous honnoroit de sa protection, nous n’étions pas certainement tonsurez.

La Province d’Erzeron rend en argent plus de 600 bourses au Grand Seigneur. Outre les 300 bourses du Carach que l’on exige des Armeniens et des Grecs, il retire encore six pour cent des marchandises de la Doüanne. Ainsi tout compte fait, ces marchandises payent neuf pour cent, sçavoir six au Grand Seigneur et trois au Beglierbey. Le Grand Seigneur joüit aussi du droit de