Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/314

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la teste de la compagnie, parfaitement bien monté de même que trois de ses domestiques, et il nous fit donner de fort bons chevaux à nous et à nôtre suite. A demi heure de là nous prîmes un venerable vieillard de ses amis dans un assez joli village situé sur cette branche de l’Euphrate, laquelle passe à Elija. On nous régala de quelques Truites que l’on pescha sur le champ, et rien n’est comparable à la bonté de ces poissons lorsqu’on les mange sortant du ruisseau, cuites dans de l’eau où l’on a jetté une poignée de sel. Ce vieillard nous fit beaucoup d’honnêtetez, et aprés nous avoir fait promettre de guerir à nôtre retour un de ses amis, (car c’étoit là le compliment ordinaire) il nous fit assûrer qu’il parloit bien la langue des Curdes ; qu’il trouveroit de ses amis dans les montagnes où nous allions, et que nous n’avions rien à craindre estant accompagnez de l’Evêque et de lui. Nous entrâmes dans de belles vallées, où l’Euphrate serpente parmi des Plantes merveilleuses, et nous fûmes charmez d’y trouver cette belle espece de Pimprenelle à fleur rouge, qui fait un des principaux ornemens des jardins de Paris, et que l’on a apportée depuis long-temps de Canada en France. Ce qui nous fit plus de plaisir, c’est que les plantes y étoient avancées, et nous nous flations de les trouver en bon état dans les montagnes ; mais à mesure que nous montions, nous ne découvrions que pelouse et neige. Les forests en sont bannies pour le reste des siecles, cependant le paysage est agréable, et les ruisseaux qui tombent de tous côtez font un spectacle divertissant. On voit je ne sçai combien de fontaines sur le haut de ces montagnes ; les unes coulent tout simplement, les autres boüillonnent dans de petits bassins bordez de gazon. Nous choisîmes un des plus jolis gazons pour étendre nôtre nappe, et pour nous délasser avec du vin du Monastere qui valoit