Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/352

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celles que l’on cultive dans un jardin, et dont on a receu les graines ou les racines par differens correspondans ; mais le P. Plumier avoit fait quatre voyages en Amerique, et il mourut à Cadis dans le temps qu’il devoit en partir, par vos ordres, pour aller au Perou. Pour moi je me flatte, Msgr, que vous me continüerez l’honneur de vôtre protection, et que vous voudrez bien faire graver tant de belles Plantes que j’ay observées dans mes voyages.

Voilà une de ces sortes de digressions qu’il n’est permis de faire que dans les lettres ; le genre epistolaire souffre tout et il convient parfaitement aux voyageurs qui ne sauroient s’empescher de s’égarer quelquefois dans une longue route. Me voici de retour à la Caravane. Le 15 Juillet nous partîmes à quatre heures du matin, et passâmes par des plaines assez bien cultivées, entrecoupées de quelques collines agréables où les bleds êtoient bien plus avancez que du coté d’Erzeron. On y cultive beaucoup de Lin, surtout auprés des villages qui sont assez frequens. Sur les sept heures du matin nous passâmes à guai une petite riviere considérable qui va se décharger, à ce qu’on nous dit, dans l’Arpagi. La grande Caravane nous quitta à une lieuë de là pour aller à Gangel, et nous fûmes fort consternez de nous voir réduits à la seule compagnie de trois marchands qui venoient à Teflis. Un Aga Turc campé sur le chemin envoya deux gardes pour nous reconnoître ; mais comme ils ne sçavoient pas lire, ils ne firent que jetter les yeux sur nos Passeports, et nous demandérent pour leur peine quelques Truites que nos Drogmans avoient peschées. Ils firent payer dix aspres par charge à nos marchands, et se firent donner chacun une piece de savon pour se razer.

Nous découvrîmes ce jour-là, à mon gré, la plus belle