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Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/358

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chez eux par échange. Nous confiâmes donc nôtre petit trésor à ces bonnes gens ; ils prirent ce qui leur plut, mais assurément ils n’abusérent pas de la confiance que nous avions en eux. Ils nous donnoient une poule grosse comme un dindon, pour un colier de six blancs, et une grande mesure de vin pour des brasselets de dix-huit deniers. Les cochons s’y promenoient en toute liberté, au lieu qu’en Turquie on les chasse comme des animaux inmondes ; on dit qu’ils sont beaucoup meilleurs dans la Georgie qu’ailleurs, mais je crois que c’est parce que la pluspart des voyageurs, qui ont ordinairement beaucoup d’appetit, trouvent tout excellent ; en effet les jambons nous parurent un mets nouveau, car nous n’en avions point mangé depuis que nous avions quitté l’Archipel. Les Georgiens traitent les Turcs d’ignorans et de ridicules sur l’usage des cochons ; les Turcs au contraire appellent les Persans schismatiques, et les Georgiens infideles, parce qu’ils mangent sans scrupule la chair de ces animaux.

A l’égard des Georgiennes, elles ne nous surprirent pas, parce que nous nous attendions à voir des beautez parfaites, suivant ce qu’on en dit dans le monde. Les femmes avec qui nous troquâmes nos émaux, n’avoient rien de desagréable, et elles auroient pû passer tout au plus pour de belles personnes, en comparaison des Curdes que nous avions veües vers les sources de l’Euphrate. Nos Georgiennes avoient pourtant un air de santé qui faisoit plaisir, mais aprés tout elles n’étoient ni si belles ni si bien faites qu’on le dit. Leur teint est souvent parfumé à la vapeur des bouzes de vache, celles qui sont dans les villes n’ont rien d’extraordinaire non plus ; ainsi je crois qu’il m’est permis de m’inscrire en faux contre les descriptions que la pluspart des voyageurs en ont faites. Nous en fîmes convenir les Capucins de Teflis, qui connoissent