Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/380

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à present qu’un seul de leurs Peres qui y fasse sa résidence, les autres se sont retirez. Le Patriarche ou Metropolitain des Georgiens reconnoît le Patriarche d’Alexandrie, et tous les deux conviennent que le Pape est le premier Patriarche du monde. Quand celui des Georgiens vient chez les Capucins, il boit à la santé du Pape ; mais il ne veut pas le reconnoître autrement. Le Roy de Perse nomme le Patriarche de Georgie sans exiger aucun present ni argent. Celui des Armeniens au contraire qui se tient à Erivan, dépense plus de vingt mille écus en presens pour obtenir sa nomination, et fournit chaque année toute la cire qui se brûle dans le Palais du Roy. Ce Patriarche est fort meprisé à la Cour, de même que les Armeniens ; on les regarde comme un troupeau d’esclaves qui ne sçauroient s’aguerrir ni se révolter.

Le Roy de Perse est obligé de faire en Georgie beaucoup plus de dépense, qu’il n’en retire de profit. Pour maintenir dans ses interêts les Seigneurs Georgiens, qui sont les maîtres du pays, et qui pourroient se donner aux Turcs, il les gratifie de grosses pensions. Les Turcs les recevraient à bras ouverts, et les Georgiens qui sont gens bien faits et propres pour les armes, ont d’ailleurs assez de penchant à changer de maître. Avant que la Cour de Perse fût informée de leur soulevement, ils pourroient non seulement s’unir avec les Turcs, mais encore avec les Tartares et les Curdes. Il y a dans la Georgie une douzaine de familles considérables qui vivent en bonne intelligence, par rapport à leurs interêts communs. Elles font divisées en plusieurs branches, les unes ont deux cens feux, les autres depuis cinq cens, jusques à mille, deux mille, et même il s’en trouve qui possedent jusques à sept ou huit mille feux. Ces feux font autant de maisons qui composent les villages, et chaque feu paye la dixme à son Sei-