Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comparaison de ces Melons. Ce seroient les fruits les plus délicieux du monde s’ils avoient autant d’odeur et de goût que les autres Melons. La chair des Melons d’eau devient plus ferme dans leur parfaite maturité, et à proprement parler ne se fond pas, mais cette eau délicieuse qui est renfermée dans les cellules de la chair, se vuide si abondamment, comme par autant de petites sources, que bien souvent les Orientaux préferent ce fruit aux meilleurs Melons. Les Armeniens appellent Carpous les Melons d’eau, mais ils ont pris ce nom des Grecs qui le donnent à tous les fruits, et Carpous dans ce sens-là veut dire un fruit par excellence. On éleve les meilleurs Melons d’eau dans ces terres salées qui sont entre les Trois Eglises et l’Aras. Aprés les pluyes on voit le sel marin tout cristallisé dans les champs, et qui craque même sous les pieds. A trois ou quatre lieuës des Trois Eglises sur le chemin de Teflis, il y a des carriéres de sel fossile, lesquelles sans être épuisées en fourniroient suffisamment à toute la Perse. On y coupe le sel en gros quartiers comme on taille les pierres dans nos carriéres, et l’on charge deux de ces quartiers sur chaque Bufle. On trouve quelquefois des troupes de ces animaux qui se suivent sur les grands chemins, et qui ne portent point d’autre marchandise, car en Levant on compte les Bufles parmi les bêtes de somme. Les Orientaux s’imaginent que le sel croît dans les carriéres, et que les endroits où l’on en a coupé depuis long-temps se remplissent peu à peu : mais qui est-ce qui a fait ces observations avec exactitude ? on m’en dit de même à Cardone en Espagne, où se trouvent les plus belles carriéres ou mines de sel qui soient dans le reste du monde. Cette montagne n’est qu’en bloc de sel qui paroît comme une roche d’argent dans le temps que le soleil éclaire les endroits qui ne sont pas cou-