Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et nous n’avions point de lettre pour prendre de l’argent à Cars, en cas qu’on nous eût dépoüillez.

Nous eûmes aussi le chagrin d’être venus à Chout-louc sans voir les ruines d’Anicavac ou Anicagué, c’est à dire la ville d’Ani qui est le nom de je ne sçai quel Roy d’Armenie. Ces ruines sont sur les terres de Perse à demi lieüe du chemin que nous avions tenu ; mais nos voituriers ne s’aviserent de nous en parler que lorsque nous fûmes arrivez au gîte. Je ne crois pas qu’il y ait rien de curieux à voir dans ces ruines pour des voyageurs ; il n’y a que les débris des villes grecques qui meritent d’être veûs, parce qu’on y trouve toujours quelques restes d’Inscriptions, lesquelles bien souvent sont d’un grand secours pour débroüiller l’ancienne Geographie.

Nous partîmes done le 17 Aoust à quatre heures du matin, et nous marchâmes jusques à sept heures sans rencontrer ni voleurs, ni honnêtes gens. La clarté du jour nous encouragea, et comme la peur de me noyer m’avoit laissé une incommodité qui m’obligeoit à descendre assez souvent de cheval, je proposai à la compagnie de nous reposer. La campagne étoit agréable, on y étendit la nappe, et les restes de nos provisions y furent consommez. Aprés ce repas nous continuâmes nôtre route dans un pays plat, réjoüissant et bien cultivé. On découvre trois ou quatre villages assez considérables, et l’on sent bien que l’on approche d’une des meilleures villes du pays. Nous trouvâmes des pâturages charmans au pied d’une colline fort agréable et les Bergers, qui n’étoient pas éloignez du grand chemin, avoient la physionomie d’être de bonnes gens.

Nous arrivâmes à Cars sur les quatre heures et nous y séjournâmes jusques au 22 Aoust pour attendre compagnie. Un gros parti de Curdes s’étoit avisé de venir cam-