Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/476

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nous devions profiter pour aller à Smyrne, nous allions causer dans les Caravanserais pour apprendre des nouvelles. Nous y trouvâmes une troupe de ces gens qui vont chercher les Drogues en Perse et dans le Mogol pour les apporter en Turquie. Ils nous asseûrérent que c’est principalement à Machat ville de Perse, où ceux du pays font leurs principaux magasins ; mais tout cela ne nous instruisoit gueres, car ceux qui remplissent les magasins, et ceux même qui vont encore plus loin chercher les Drogues sur les lieux et dans les villages où les paysans les apportent de la campagne, ne sont gueres mieux informez. Je ne vois rien de si difficile que de faire une bonne Histoire des Drogues, c’est à dire de décrire non seulement tout ce qui compose la matiere medecinale, mais encore de faire la description des Plantes, des Animaux et des Mineraux d’où l’on les tire. Non seulement il faudroit aller en Perse, mais aussi dans le Mogol qui est le plus riche Empire du monde, et où l’on reçoit parfaitement bien les étrangers, sur tout ceux qui sont riches en especes d’or et d’argent. Tout s’y achette argent comptant, et il n’est permis d’en faire sortir que les marchandises, ainsi toutes les monnoyes étrangeres restent dans le pays, où elles sont converties en celles du Prince : mais quelle peine n’auroit-on pas quand on seroit dans ce Royaume, si l’on vouloit s’éclaircir par soi-même de ce qui concerne la connoissance des Drogues ? on se trouveroit obligé de se transporter sur les lieux où elles naissent, pour décrire les Plantes qui les produisent ; et à combien de maladies ne s’exposeroit-on pas ? la vie d’un homme suffiroit à peine pour bien observer celles que l’Asie produit. Il faudroit d’ailleurs parcourir la Perse, le Mogol, les Isles de Ceylan, Sumatra, Ternate, et je ne sçai combien d’autres contrées où l’on ne trouveroit pas les mêmes facilitez que