Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/518

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nous ne laissâmes pas d’entrer dans une petite plaine terminée par un vallon, à l’entrée duquel s’étoient postez 15 ou 20 de ces voleurs, qui nous voyans venir en bon ordre, jugerent à propos de se retirer. Ces malheureux sont des montagnards qui volent quand ils se trouvent les plus forts, et qui n’ont pas l’esprit de s’entendre ni de bien faire leurs parties. Il est certain que s’ils nous avoient attaquez avec fermeté, ils auroient enlevé la moitié des balles de soye. Quelques voleurs de nuit qui se mêlerent avec nous sur le matin, dans le temps qu’on chargeoit les balles, furent bien plus habiles, car ils détournérent deux mulets avec leur charge, et l’on n’en entendit plus parler. Les montagnes par où nous passâmes sont couvertes de taillis de charmes, parmi lesquels on voit des Pins, de la Sabine et du Geniévre. Les Melons d’eau sont excellens dans tous ces quartiers-là ; les meilleurs ont la chair rouge-pâle, et les graines rouge-brun tirant sur le noir ; les autres ont la chair jaunatre et la graine noire ; les moins sucrez ont la chair blanche.

Le 21 Septembre nous partîmes à 5 heures du matin, et passâmes sur la plus haute, la plus rude et la plus ennuyeuse montagne du pays, toujours sur nos gardes de peur des voleurs. La veûe d’une infinité de Plantes rares nous consoloit de nos allarmes ; ces Plantes naissent parmi le Chêne commun, le Saule musqué, l’Alisier, le Tamaris, les Pins, l’Epine-vinette à fruit noir.

Le 22 Septembre nous ne découvrîmes depuis 5 heures du matin jusques à midi, que des roches fort escarpées, toutes de marbre blanc, ou de jaspe rouge et [et] blanc, parmi lesquelles coule avec rapidité, du levant au couchant, la riviere de Carmili. Nous eûmes pour gîte un mauvais Caravanserai, ou plutôt une grange dans