Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/52

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pas si malheureux ; mais on le déposseda aprés le dernier siege de Vienne, lequel pourtant n’échoüa que par la faute de Cara-Moustapha premier Visir. On préfera à ce Sultan son frere Solyman III. Prince sans merite, qui fut déposé à son tour quelque temps aprés.

A l’égard de la Sultane mere, des Visirs, du Caïmacan, des premiers Eunuques du Serrail, du grand Tresorier, et de leur Aga même, les Janissaires se joüent de leurs personnes, et demandent leurs têtes au moindre mécontentement. Tout le monde sait comment ils traitérent, au commencement de ce siecle, le Moufti Fesullah-Effendi qui avoit été precepteur de Sultan Mustapha. Ce Prince qui l’aimoit aveuglément ne put empêcher qu’il ne fust traîné sur la claye à Andrinople, et jetté dans la riviere. Le seul temperamment qu’on ait pû apporter jusques à present pour reprimer l’insolence de ces soldats, a été de leur opposer les Spahis, et de les rendre jaloux les uns des autres ; mais ils ne s’accordent que trop en certaines occasions. On a beau les faire changer de quartier ; comme les absents approuvent toûjours ce que leurs camarades ont fait, il n’est gueres possible d’éviter leur furie, quand ils se mettent en tête qu’on leur a fait quelque grande injustice. L’histoire des Turcs ne fournit pas beaucoup d’exemples, qu’on soit venu à bout de les appaiser sans leur faire de grandes largesses, ou sans qu’il en ait coûté la vie aux plus grands officiers de l’Empire.

On n’a jamais osé confisquer le Thresor des Janissaires, ni s’emparer des biens que leurs Officiers possedent en propre en plusieurs endroits de l’Asie, comme à Cataye, à Angora, à Caraissar et dans d’autres places. Quand le Général vient à mourir, le Thresor herite de ses biens : c’est le seul officier dont les dépoüilles ne sont point confisquées au profit de l’Empereur. Ce Général a l’avantage