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Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/525

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pied de la riviere, à double nef comme la grande Sale du Palais à Paris, la voute est de pierre de taille, et les arcades sont bien cintrées ; mais ce bâtiment qui est d’une beauté surprenante pour le pays, n’est éclairé que par des lucarnes, et l’on y loge sur une banquette qui regne tout autour de chaque nef. Pour nous qui aimions le frais, nous allâmes coucher dans la cour où nous ne laissions pas de nous ressentir encore des grandes chaleurs de la journée ; mais nous fûmes obligez d’abandonner nôtre gîte une heure avant le jour, et de venir respirer l’air infecté du soufle de tous les chevaux et des mulets de la Caravane, car le froid nous avoit engourdis, et malheureusement nous n’avions pour toute boisson que de l’eau à la glace. Comme il n’y a que des Turcs dans le pays, ils vendent leur vin en gros aux Armeniens, et aprés que la vente est faite on y mourroit faute d’en trouver la valeur d’un demi septier ; nous nous en consolâmes en mangeant des raisins, quoiqu’ils fussent molasses et trop doux. On nous dit que ces vignes étoient de peu d’apparence et de peu de rapport.

Le 25 Septembre nous suivîmes la même vallée depuis 5 heures du matin jusqu’à 8, la riviere rouge couloit à nôtre droite, mais nous la quittâmes à un village qui occupe presque tout le fond de la vallée ; cette riviere tire vers le Nord et va se jetter, à ce qu’on nous dit, dans quelqu’une de celles qui se dégorgent dans la mer Noire. C’est dequoi nous ne nous embarrassions pas beaucoup, parceque les marchands des Caravanes ne donnent pas de grands éclaircissemens sur ces sortes de matieres ; mais nous étions fort inquiets de sçavoir quel chemin nous prendrions, parce qu’on ne voyoit, quelque part que l’on jettât la veüe, que l’ouverture par où la riviere s’échape. Nos Armeniens nous montrérent bientôt la route, et la tête de la Caravane commença à monter sur la plus haute mon-