Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/545

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qui aboutissent à une plaine assez belle. Aprés huit heures de marche on campa au dessous de Siké. Le lendemain nous fîmes dresser nos tentes auprés de Tekia autre village à 4 heures du premier et dans la même plaine. Tout le pays est riant et bien cultivé. Les Poiriers sauvages y sont couverts de Guy ; et j’observai sur leurs troncs, quelque dure qu’en fut l’écorce, la premiere germination de leurs graines, que je cherchois depuis long temps et que je n’avois pas eû occasion de voir en France où cette plante est si commune. Ces graines, qui ont la figure d’un cœur, étoient hors de leurs coëffes, et s’étoient attachées par leur glu sur les troncs et sur les branches de ces arbres, dans le temps que les vents ou quelqu’autre cause les faisoit tomber. Chaque graine étoit couchée sur le côté, de telle sorte que la pointe de la radicule commençoit à se planter dans l’écorce, tandis que les yeux de la même graine se développoient et germoient. Tout cela me confirma dans la pensée que j’ai proposée touchant la multiplication du Guy dans mon Histoire des Plantes qui naissent aux environs de Paris.

La marche du 17 Octobre fut d’environ douze heures. Nous ne passâmes ce jour-là que par de petites vallées couvertes de Chênes et de Pins. Le lendemain la décoration fut bien differente, car nous marchâmes pendant neuf heures dans un pays assez plat, peu cultivé, sans bois, ni brossailles, et relevé de quelques buttes remplies de sel fossile. Ce sel qui se cristallise dans les fonds où l’eau de la pluye croupit, assaisonne le suc de la terre, et lui fait produire des plantes qui aiment le bord de la mer, comme sont les especes de Soude et de Limonium. J’ai remarqué la même chose sur la montagne de Cardone, située sur les frontieres de Catalogne et d’Aragon, laquelle n’est qu’un effroyable bloc de sel.