Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/70

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tier seulement si elle est fort vaste. Cet enfant tient à la main droite une fléche dont il tourne le fer du côté du cœur, pour marquer qu’il se laisseroit plûtost percer cette partie que de renoncer à sa foy. Ses camarades, ses amis et ses voisins le suivent à pied, en chantant ses loüanges avec des marques de joye, jusques à la Mosquée, où l’Iman, aprés une petite exhortation, lui fait faire sa profession de foy et lever le doit : ensuite il ordonne au barbier préposé, de le placer sur le sopha et de faire l’opération. Deux valets tiennent une nape étenduë devant l’enfant, et le barbier lui ayant tiré le prépuce autant qu’il peut, sans pourtant lui faire mal, il le serre au bout du gland avec une pincette, le coupe avec un rasoir, et le montre aux assistans, en disant à haute voix, Dieu est grand. Le circoncis ne laisse pas de crier, car la douleur est assez vive : on le pense, et chacun vient le féliciter de ce qu’il est mis au rang des Musulmans, c’est à dire des fideles.

Si les parens sont riches, ils font circoncire à leur dépens les enfans des pauvres gens de leur voisinage. Aprés la cerémonie, on se retire dans le même ordre qu’on étoit venu, et l’on marche comme en triomphe pour se rendre chez les parens, qui donnent à manger pendant trois jours à tous ceux qui se presentent. On en est quitte pour une grandre chaudiere de ris par jour, quelques pieces de bœuf, de mouton, et quelques poules : la dépense n’est pas considerable en liqueurs, car on satisfait tout le monde avec une grande cruche d’eau. Les gens plus aisez presentent le sorbet, le caffé et le tabac, et les parens font quelques presens aux pauvres garçons que l’on a circoncis avec leurs fils ; ils donnent aussi l’aumône aux pauvres de leur quartier. Aprés qu’on a bien dansé et bien chanté, les conviez font à leur tour des presens au nouveau Musulman. Chez les personnes de distinction, on donne des vestes,