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LA TOUR.

au fond d’eux-mêmes à leur insu et je les remporte tout entiers. »

À propos des portraits exposés à ce même Salon de 1767, Diderot écrivait : « C’est, certes, un grand mérite aux portraits de La Tour de ressembler ; mais ce n’est ni leur principal, ni leur seul mérite. Toutes les parties de la peinture y sont encore. Le savant, l’ignorant les admire, sans avoir jamais vu les personnes ; c’est que la chair et la vie y sont ; mais pourquoi juge-t-on que ce sont des portraits, et cela sans s’y méprendre ? Quelle différence y a-t-il entre une tête de fantaisie et une tête réelle ? Comment dit-on d’une tête réelle qu’elle est bien dessinée, tandis qu’un des coins de la bouche relève, tandis que l’autre tombe ; qu’un des yeux est plus petit et plus bas que l’autre, que toutes les règles conventionnelles du dessin y sont enfreintes dans la position, la longueur, la forme et la proportion des parties ? Dans les ouvrages de La Tour, c’est la nature même, c’est le système de ses incorrections telles qu’on les y voit tous les jours. Ce n’est pas de la poésie ; ce n’est que de la peinture. »

La Tour lui-même a d’ailleurs livré à Diderot le secret de sa préoccupation constante et de sa supériorité sur ses ancêtres et ses rivaux, quand il lui confiait ces remarques profondes : « Il n’y a dans la nature, ni, par conséquent, dans l’art aucun être oisif, mais tout être a dû souffrir plus ou moins de la fatigue de son état, et en porte une empreinte plus ou moins marquée. Le premier point est de bien saisir cette empreinte, en sorte que s’il s’agit de