Page:Tousseul - Aux hommes de bonne volonté, 1921.djvu/19

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Vos opinions religieuses ne me regardent point : vos livres de sciences et votre raison sont là. Vos opinions politiques ? Il n’y a qu’une bonne « politique » à mon sens : le bien-être du plus grand nombre. Je l’ai appelée socialisme, vieux verbe créé par des apôtres qui sont morts en exil, sur l’échafaud, dans les bagnes ou sur les barricades — je songe, ce soir où je suis bon, à Jean Grave qu’on mettait en prison pour un livre et qui en écrivait un autre dans sa cellule ! Vous mettrez à cette politique l’étiquette qui vous plaira.

Jeunes gens, je vous supplie d’être forts, de regarder au long et au large, de vous dépouiller un instant de votre atavisme moral et de faire votre examen de conscience. Je ne veux vous causer aucun dépit, je ne veux pas amoindrir le respect que vous devez à vos parents et à vos professeurs qui peuvent être les uns et les autres déformés par l’âge et une vieille éducation. Mais j’estime que lorsqu’on est devenu un homme, il faut avoir le courage de se guérir de certaines admirations, de briser certaines idoles et de continuer son chemin sans elles. Vous êtes-vous dit parfois que l’argent qui vous paie vos études est le fruit d’un quart de siècle de platitudes ou d’un vol autorisé par la société et par le code ? Vous voilà des hommes d’une autre génération : âmes neuves, esprits neufs du moins. Soyez fiers, soyez dignes : je vous ai dit tout à l’heure qu’un peuple avait les yeux sur vous.

Juges de demain, soyez dignes, par la probité de votre jeunesse, d’occuper les fauteuils de la Cour. Soyez assez hommes pour révéler vous-mêmes les illégalités du code archaïque et assez braves pour exiger des réformes. Fermez de temps en temps ce code pour regarder vivre