Page:Tousseul - Aux hommes de bonne volonté, 1921.djvu/37

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l’œuvre de la « civilisation » européenne en Orient et en Afrique qui nous arrachait des cris de stupeur et de pitié. Aujourd’hui, c’est la Hongrie, nom tout aussi terrible que les forteresses célèbres de Russie et d’Espagne : S. S. Pierre et Paul, Schlusselburg, Boutyrki, Koutomara, Montjuich, sinistres cathédrales du prolétariat !

Tout un pays est devenu lui-même un bagne ! Il y a là-bas, en Hongrie, environ 40,000 femmes et hommes qui pourrissent et saignent dans les prisons et les camps de concentration, en attendant d’être pendus ou — les femmes — d’être violées.

Quel bilan ! Deux milliers de pendus, trois milliers d’assassinés, des tués à coups de fouets, des enterrés vivants !… On brûla les seins aux femmes avec des cigares, on leur enfonça des aiguilles sous les ongles ! On crève les yeux, on mutile les sexes !…

Tous ces gens s’étaient insurgés contre le gouvernement, qui avait fait la guerre. Les intellectuels — écrivains, professeurs — se sont mêlés au peuple et ont subi son sort. Les nouvelles qui nous arrivent de là-bas sont plutôt rares. Les journalistes socialistes sont morts, en prison ou en fuite : leurs bureaux de rédaction sont détruits.

Faudra-t-il que nous jetions encore une fois notre cri désespéré d’hier : « La Paix ! Vivre !… » ? Car on ne vit plus : on court… au gouffre économique ou à la Révolution.

La haute politique mondiale — qui a fait la guerre pour la civilisation — assiste impuissante ou impassible à ce second massacre des innocents. Vienne, refuge des « rescapés » de Hongrie, Vienne se meurt. Le prolétariat paie la faute d’avoir fait la guerre, ni plus ni moins !