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Page:Tousseul - Aux hommes de bonne volonté, 1921.djvu/59

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Les Mineurs

À Joseph DEJARDIN.

Nous sommes prêts. Nous avons revêtu la toile bleue du houilleur, nous avons mis son petit casque rond, chaussé ses gros souliers ferrés, noué son mouchoir rouge à notre cou. Tout gauche, les mains cherchant les poches absentes de la blouse, une émotion soudaine m’étreint. Il y a à peine sept ans que, vêtu ainsi, le chapeau de cuir à part, j’ai pelleté par tonnes, les doigts saignants et les reins tordus, dans un raccordement de fours à chaux, cette houille que je vais voir chez elle. Je me sens grandir dans mon vêtement léger. Certes, je pourrais encore travailler de mes mains, de mes muscles, de tout mon corps, et dédaigner, du haut de mon piédestal de manuel, les fainéants.

Nous allons chercher nos lampes. La cage, l’ascenseur. Non pas celui qui vous élève au cinquième étage d’un bar de nuit, mais celui qui va nous descendre à cinq cents mètres dans la terre. On bouge. Zz !… On est bien, le voyage est doux comme dans une nacelle allant au fil de l’eau, mais une impression désagréable me martèle les veines des tempes : mes tympans vont se déchirer et, instinctivement, ma lampe vacillante accrochée au poignet,