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ANTHROPOLOGIE GÉNÉRALE

métissage entre les différentes races. L’action prolongée des milieux différents et l’adaptation de l’homme à ces milieux suffirait pour rendre compte des déviations qu’offrent les diverses branches de la famille humaine, et pour expliquer la formation et la conservation des races (de Quatrefages).

C’est là la doctrine monogéniste qui a si longtemps régné sans conteste, grâce au grand nom de son plus ardent défenseur, Cuvier. Elle se rattachait au dogme fondamental qu’il cherchait à faire prévaloir en biologie, celui de la permanence et de la fixité immuables des espèces.

Sans oser attaquer ce dogme, un certain nombre d’observateurs, se basant sur les différences profondes et radicales qui existent entre les diverses races, admirent la pluralité spécifique de l’homme et la multiplicité originelle des divers groupes humains ; ce sont là les polygénistes. En effet, le critérium décisif, constamment invoqué par les monogénistes, la secondité illimitée des produits de métissage, ne peut s’appliquer à tous les croisements entre les races humaines, ainsi que cela ressort des recherches de MM. Broca et Périer sur l’hybridité. Du reste, monogénistes, aussi bien que polygénistes, admettent comme un axiome la notion de l’immutabilité de l’espèce, telle que la concevaient Buffon et Cuvier.

Mais toute une école a surgi, dont Lamark, Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire et Darwin sont les plus illustres représentants, et dont les travaux ne tendent à rien moins qu’à renverser cette notion de T espèce, base immuable de la biologie, comme la comprenait Cuvier. Lamark, le premier, a formulé le principe de la modification organique par la fonction, et a montré les conséquences incalculables qui en peuvent découler. Darwin alla plus loin, et chercha à établir que la conception de l’espèce, selon la formule de Cuvier, n’est qu’une vue de l’esprit ; que l’espèce, loin d’avoir pour attributs la pérennité est l’immuabilité, est au contraire éminemment transitoire, qu’elle se fait et se défait par la reproduction sélective de la variété. Loin de proclamer la perpétuité et l'invariabilité de l’espèce, la science moderne en accepte au contraire la mutabilité morphologique indéfinie par des différenciations et des modifications d’abord insensibles, mais bientôt énormes, et dont les procédés ont été mis en lumière avec une grande netteté par Darwin.

Parmi ces procédés, le premier et le plus important est la concurrence pour la vie, lutte que se livrent tous les êtres placés dans les mêmes milieux, pour assurer leur existence, tant individuelle que spécifique. De là découle une première sélection, la sélection naturelle, qui assure la prédominance et le triomphe des individus et des races les mieux doués et les mieux adaptés aux temps et aux milieux, les êtres inférieurs en étant réduits à céder la place ou à disparaître.