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LA MOISSON DES GUÉRETS

La clairière grandit et pousse sa trouée
Dans la forêt que l’acier franc a secouée ;
D’autres soles, au flanc large et laborieux,
Évidant au soleil la poix du conifère,
Font naître du hameau la sereine atmosphère ;
Et la prière prend son vol mystérieux,
Monte des toits bleuis par les bûches nouvelles,
Qui prédisent dans l’âtre un essaim de javelles
Comblant la tasserie et poudrant le moulin,
Pendant que les colons ployés devant la flamme,
Dévotieusement offrent à Dieu leur âme,
Effluve du soir opalin.

La Muse des bois-francs éloquemment exhume,
Autour des ais de cèdre et des billes en grume,
Le trésor enfoui par le colon rêveur
Dans le secret des nuits et de l’effort tenace ;
Elle a vaincu des ans la cruelle menace,
Et terrassé l’oubli dans la foi du Sauveur,
Et la maison carrée, asile des ancêtres
Dardant sur l’avenir l’œil clair de ses fenêtres,
Se rouvre pleinement aux fils déracinés
Qui pleurent aujourd’hui leur mère nourricière,
Et cherchent à laver la glu populacière
Qui les retient emprisonnés.