Page:Tremblay - La sépulture d'Étienne Brulé, 1915.djvu/4

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eſtions habituez ; mais ce fut auec vne petite diſgrace… Mes Sauuages… m’abandonnèrent là tout ſeul, ſans viures ny ſans cabane, & reprindrent leur route vers leurs villages, diſtans de quelques ſept lieues ; le mal eſtoit que le village de Toanché auoit changé depuis mon départ, & que ie ne ſçauois pas bonnement en quel endroict il eſtoit ſitué, & que ce riuage n’eſtant plus hanté, ie ne pouuois pas bien m’aſſeurer du chemin… (92) Après aiant conſidéré que cet abord eſtoit déſert, & que i’y pourrois bien demeurer long temps, auant qu’aucvn du village m’y vint trouuer ; ie caché mes paquets dedans le bois, & prenant auec moy ce que i’auois de plus précieux, ie m’en allé chercher le village, que ie rencontré heureuſement enuiron à trois quarts de lieue, ayant en paſſant veu auec attendriſſement & reſſentiment le lieu ou nous auions habité, & célébré le S. ſacriſice de la Meſſe trois ans durant conuerty en vn beau champ ; comme auſſi la place du vieux village, où excepté vne cabane rien ne reſtoit que les ruines des autres. Ie vis pareillement l’endroit où le pauvre Eſtienne Bruſlé auoit été barbarement & traiſtreuſement aſſommé…


Cette citation démontre qu’il existait un port à l’usage de Toanché ; que ce port n’était plus habité en 1634, mais qu’il était encore fréquenté ; que l’ancien village, y compris la résidence des Récollets et des Jésuites (1629) était, sauf une cabane, remplacé par un champ ; que Brûlé avait été massacré à Toanché même ; que le second Toanché se trouvait à environ trois quarts de lieue de l’atterrissage, et que le voyage de Québec en Huronie prenait d’ordinaire une vingtaine de jours. De Brébeuf confirme ailleurs cette durée (Vol. x, p. 88) ; il vous faut attendre à eſtre trois ou quatre ſemaines par les chemins tout au moins. Le P. Châtelain faisait en 1637 un voyage beaucoup plus rapide (Vol. xiii, p. 20), et le missionnaire Du Perron restait vingt-cinq jours en route (Vol. xv, p. 150).

Toanché possède plusieurs noms. C’est le Saint-Nicolas du P. Viel, autrement dit Troenchain (Sagard, Hist., t. II, p. 413) ; Toenchen (id., t. I, p. 78) ; Toenchain (ib., t. III, p. 723) ; Toanchain dans la lettre du P. de Daillon (Sag., t. III, p. 809) et, comme on vient de le voir dans Brébeuf, Teandeouiata. Le P. Martin et l’Abbé Laverdière, plus récemment le P. Jones, ont identifié le Toanché d’avant la prise de Québec (1629) avec l’Otouacha de Champlain. Ce dernier écrivait (pp. 26-27, t. iv, Œuvres) :


… nous arriuaſmes en la contrée des Attigouantan (tribu de l’Ours), à vn village appellé Otouacha, qui fut le premier iour d’Aouſt, ou trouuaſmes vn — 27 — grand changement de païs, ceſtuy-cy eſtant fort beau, & la plus grande partie deſerté, accompagné de force collines, & de pluſieurs ruiſſeaux qui rendent ce terroir aggréable…


La description donne une assez bonne idée du voisinage de la baie de Penetanguishene, où les collines, les ruisseaux, les arborescences, sont bien propres à rendre ce terroir aggréable ; mais cela ne suffit pas. Toute autre région de la péninsule eut été cependant trop éloignée des bourgs dont Champlain donne les distances par rapport à Otouacha. D’aucuns ont voulu placer le village sur la