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LES FERMENTS

Je laboure le sol, je moissonne le grain,
Et ne connais jamais le poids d’un front chagrin.
Vous plaignez mes loisirs ? J’ai bâti ma chaumière
En gagnant au lever le pas sur la lumière.
Dès l’aube, je prenais un tonique d’air pur,
Et le soleil, tranchant sur le plâtre du mur
L’ombre lente à baisser derrière les érables,
Me disait que le Ciel a des lois admirables,
Et que le Créateur sait se montrer clément
Envers qui se résigne à son propre élément.
Vos livres, vos palais, vos temples, vos musées,
Vos théâtres, remplis de foules amusées
— Ou voulant le paraître en riant de leur sort —
Tout cela ne vaut pas une tige qui sort
À travers le sol dur qu’elle bombe et qu’elle ouvre.
Un arceau de forêt est plus vaste qu’un Louvre.
Mon livre à moi, c’est la Nature et ses leçons,
Poème toujours grand où le rythme et les sons,
Partout recommencés, forment une harmonie
Entendue à toute heure et sans monotonie.