l’effet du hasard. La postérité semble seule pouvoir décréter la précellence d’un livre. À l’abri des préjugés bons ou mauvais dont le contemporain est obsédé, elle se prononce longtemps après l’extinction des querelles de temps, de lieux, de groupes. Elle parle quand l’agressive négation a perdu son actualité. L’homme est ainsi fait : il lui faut un auteur mort, bien mort, mort depuis très longtemps. Interrogez la vie des grands littérateurs. Homère, chantant l’Iliade au sein de sa patrie, était pourtant le même poète qui recevait plus tard dans l’exil et dans l’amertume une couronne étrangère. Dante se cachait à Vérone pour finir son poème, et cependant était-il alors inférieur à l’opinion des Florentins qui, après sa mort, acclamaient en chaire publique la Divine comédie ? Corneille, risée de sa ville natale, Rouen, n’était-il pas dans sa misère glorieuse celui dont le front auréolé devait bientôt paraître sur le Parnasse ? Shakespeare, abandonné de ses compatriotes, n’attendait-il pas la résurrection en France, avant d’être admis à l’apothéose, avant que la reconnaissance eût rouvert les dalles réparatrices de Westminster ?
Combien de Canadiens recevront le salut triomphal des siècles à venir ? Combien méritent aujourd’hui même cet hommage ? Si le Canada français a donné le souffle à des œuvres saillantes — voyez jusqu’où peut aller le