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PIERRE QUI ROULE

Il y avait là une fillette de huit ans qui portait suspendu à son cou, et lui retombant sur le ventre, un cadre entourant une image de Sainte-Elizabeth occupée à distribuer des gâteaux à des pauvres. On avait fait ce que l’on avait pu pour improviser cette fête et le bon Dieu, qui connaissait les louables intentions de cette foule pieuse, ne dut pas se formaliser des incongruités inconscientes dont l’organisateur fut le premier à ne pas s’apercevoir.

Une douzaine d’années plus tard, Quéquienne rencontrait à Montréal le père XXX dont la situation ecclésiastique avait été régularisée. Il exerçait alors son ministère aux environs de Chicago et, étant de passage à Montréal, il assistait à une soirée donnée à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste. Il n’était resté qu’un an à Stoke où il avait vécu misérablement, et avait dû remettre la propriété Gordon qu’il n’avait pu payer. On n’a jamais pu s’expliquer pourquoi il était venu à Stoke, où il a laissé l’impression qu’il souffrait alors de quelque lésion mentale.

En sa qualité d’officier municipal de Stoke, Quéquienne fut chargé d’aller, en compagnie de quelques autres contribuables, établir en pleine forêt le tracé de certaines routes le long desquelles bon nombre de colons se sont fixés depuis. Cela lui procura plusieurs fois l’occasion de coucher dehors par une température sibérienne. On déblayait un peu la neige afin d’étendre sur le sol une couche de branches de sapin moins moëlleuse que l’édredon. D’autres branches, plus fortes, étaient disposées de manière à former une cabane dont l’une des extrémités s’ouvrait toute grande sur un foyer abondamment pourvu de grosses bûches de bois sec.

On improvisait d’abord un banquet où l’habit à queue n’était pas de rigueur, puis on se couchait les pieds au feu et la tête au gel. Il n’y avait pas de ma-