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PIERRE QUI ROULE

Je n’ai pas plus honte d’avoir été conservateur que je n’ai honte d’avoir été enfant. Je crois qu’en général les partis valent mieux que ceux qui les représentent, et je suis convaincu qu’il serait impossible de former un parti puissant en proclamant une doctrine radicalement mauvaise.

« Malheureusement, il arrive parfois que les exploiteurs d’un parti quelconque ont deux programmes de rechange : un programme tout neuf qui n’a jamais servi et qu’ils revêtent des couleurs les plus séduisantes pour l’exhiber au public ; l’autre, horriblement déchiqueté, qu’ils réservent pour leur usage personnel. Ce dernier n’est pas montrable et ils font bien de le cacher.

« Les libéraux à tendances autocratiques et les conservateurs à propensions subversives abondent dans les deux partis. Aux premiers, je préfère les conservateurs suffisamment libéraux ; aux seconds je préfère les libéraux suffisamment conservateurs dans le véritable sens que doivent comporter ces expressions.

« J’étais de service à la Minerve le 12 juillet 1878, lorsque le ban et l’arrière-ban de l’orangisme se réunit à Montréal dans le but bruyamment avoué de tirer vengeance du meurtre de Hackett, commis à pareille date l’année précédente. On s’attendait tellement à du grabuge ce jour-là qu’on avait mobilisé toute la milice. Les orangistes comptaient évidemment sur l’appui des bataillons anglais dans les rangs desquels ils avaient de nombreux affidés.

« Les bataillons canadiens-français avaient été stationnés au Palais de Cristal, loin de l’endroit où la procession devait se former. Les autres occupaient le centre de la ville, et Dieu sait ce qui serait advenu s’ils eussent eu l’occasion de prêter main-forte à leurs amis.

« Heureusement, Montréal avait alors pour maire un homme énergique, dans la personne de feu Jean-Louis Beaudry. Les autorités municipales avaient décidé