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PIERRE QUI ROULE
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eût monté à la tête des gens au point qu’on n’allait plus à l’église sans apporter, au moins, ses souliers français afin de les chausser avant que d’entrer, dans le lieu saint. Cela ménageait beaucoup les chaussures de magasin, mais cela usait les souliers de bœuf, et on a fini par abandonner cette pratique.

On dépensait peu d’argent. On en avait peu à dépenser ; mais on n’en avait pas besoin, puisqu’on avait tout à souhait à la maison. La vie des champs était loin d’être aussi monotone que nos citadins d’aujourd’hui pourraient le croire. Il y avait le brayage, les épluchettes, les levages, les corvées, les fricots, les noces et mille et une autres occasions de se réunir. Les traditions se perdent, et l’énumération ci-dessus nécessite peut-être quelques explications. Je viens d’expliquer ce que c’était que le brayage. Aux épluchettes, la soirée se passait à dépouiller de leur enveloppe les épis de blé-d’inde. L’heureux mortel qui trouvait un épi à grains rouges avait l’avantage d’embrasser une jeune fille à son choix. L’épi rouge était ensuite confisqué, afin d’empêcher qu’on lui fît faire double emploi, ce qui n’était pas permis. Une énorme marmite pendue à la crémaillère de l’immense cheminée faisait bouillir les épis destinés au réveillon.

Les corvées étaient devenues autre chose qu’une contribution obligatoire de travail. Ce mot, emprunté d’abord au service militaire, se prononçait courvée. Plus tard, dans les Cantons de l’Est, on en a fait le mot bi, emprunté au mot anglais bee et rappelant l’industrieuse abeille. C’était sur invitation que les gens se réunissaient pour aider un voisin à faire un travail nécessitant l’union des forces rurales : le défrichement d’une pièce de terre, la construction d’un pont, etc. Le levage était une corvée pour l’érection d’un bâtiment. La journée de travail était suivi d’un repas pantagruélique et parfois d’une danse.