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PIERRE QUI ROULE

mais ils étaient loin de se douter des angoisses que ce jeune étourdi était en train de leur préparer. Un citoyen de l’endroit, parfaitement inconnu de Quéquienne, signa les papiers en qualité de tuteur.

Plus tard, Quéquienne finit par se dire qu’il n’était nullement lié par un engagement effectué d’une façon aussi irrégulière. Peu de temps après son arrivée en Virginie, notre jeune troupier, interrogé par le commandant de son régiment, lui avoua que son âge avait été majoré par les agents recruteurs. On lui offrit de lui procurer son congé et de le renvoyer en même temps que cinq ou six autres morveux qui n’avaient pas, aussi gaillardement que lui, résisté aux fatigues des marches et contre-marches à travers les boues adhésives de la Virginie, préalablement à l’installation définitive au Camp Reynold.

Il avait refusé en alléguant qu’il s’était enrôlé pour prendre part à la guerre et qu’il désirait servir tant qu’elle durerait. Il ne comprenait pas alors que, si le commandant disparaissait avant la fin de la guerre, il n’aurait plus personne à qui s’adresser pour réclamer la résiliation de son enrôlement.

LES ROMANS

Le magasin du sutler était abondamment pourvu de livres anglais. Quéquienne employait tous ses loisirs à se farcir l’imagination des stupéfiantes péripéties dont regorgeaient les romans mis à la portée des classes aventureuses. Il y avait là des livres dont l’influence morale valait à peu près celle des cinémas actuellement condamnés par une censure trop indulgente ; il y en avait de moins mauvais et il y en avait même d’excellents. La vogue allait surtout aux histoires de brigands, racontant les hauts faits des Highwaymen