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PIERRE QUI ROULE

Cette expression élégante provenait-elle du mot anglais failed, plus ou moins judicieusement francisé ? Ce qu’il y a de certain, c’est que tout accident ou incident de ce genre était immédiatement signalé par une série de meuglements qui se répercutaient de briqueterie en briqueterie sur une distance de trois à quatre milles. Tout le monde beuglait en travaillant. On ignorait où le fait avait pu se produire ; mais on savait que la race bovine comptait, au figuré du moins, un représentant de plus dans un endroit peu éloigné du monument de Bunker Hill.

À propos de Bunker Hill, combien y a-t-il de Canadiens, ou même d’Américains qui savent que cette fameuse bataille a été livrée sur la propriété d’un Français nommé M. de Boncœur ? Semblable déformation d’un nom historique ne s’est-elle pas perpétuée dans le cas du patriote Rivière que les Américains ont immortalisé sous le nom de Paul Revere ?

Les meuglements contagieux des briqueteries de Somerville rappelaient à Quéquienne un souvenir de l’armée du Potomac. Il y avait dans l’un des régiments un officier qui n’était pas adoré de ses soldats. Ceux-ci, ayant appris que ce gradé était fils d’un cordonnier, l’avaient surnommé Wax, par allusion au brai qui enduisait le ligneul paternel. Dès qu’il avait le dos tourné, quelqu’un se mettait à crier Wax. Le mot était répété par toute l’armée en marche et des milliers de soldats criaient Wax sans savoir pourquoi. Un jour, une nouvelle recrue, qui n’avait pas la moindre idée de la signification de ce cri de guerre, répéta le mot en face du lieutenant, qui la souffleta d’importance.

Blessé au cours d’une bataille, cet officier disait plus tard : « Je sais que ce n’est pas la balle d’un ennemi qui m’a frappé. » — « Ce n’est certainement pas la balle d’un ami » lui fut-il répondu.