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Page:Trent - Litterature americaine.djvu/176

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168 LA PEniODE DE FORMATION (1789-1829)

la littérature. Des opinions divergentes ont été et sont encore émises sur ce point ; mais il devient évident qu’on lui accorde volontiers le rang auquel il prétendait parmi les grands maîtres du roman d’imagination. Mieux que tout autre Américain, à l’exception toutefois de Poë, il jouit d’une réputation universelle. S’il n’a pas ouvert de nouveaux débouchés à la fiction, il a considérablement étendu son domaine dans deux sens différents. Le roman de la forêt et de la prairie et le roman de la mer sont ses créations ; nul depuis ne les a aussi magistralement traités.

Il ne faut pas oublier pourtant qu’avec Walter Scott et Balzac, Cooper appartient h la classe de ce qu’on pourrait appeler les grands génies, par opposition aux beaux génies, et que les grands génies sont rarement d’impeccables artistes, sauf dans les moments de véritable inspiration. Critiquer un tel créateur aussi minutieusement qu’on le ferait d’un auteur de sonnets, friserait le ridicule ; cependant c’est le genre de critique auquel on soumet constamment Cooper. Il n’est pas étonnant que le Titan n’ait pu les supporter sans humeur durant son existence, ni que sa réputation ne puisse les soutenir à présent. Son style n’est jamais parfait ; il est souvent même exécrable. Il ne sait pas créer des caractères à sa volonté ; il donne l’impression de l’effort, à vouloir, trop souvent, faire vivre des blocs de bois, revêtus d’habillements de femme. Excepté lorsqu’il s’agit des Indiens, des chasseurs et des marins, il est pitoyable psychologue. Il s’abandonne à ses préjugés sans aucune considération pour ses lecteurs. 11 croit de son devoir d’interdire à ses tristes héroïnes d’épouser des hommes dont l’orthodoxie religieuse est suspecte ; il s’érige en vaillant champion de l’Eglise épiscopale ; il fait un cours sur la façon de se