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Page:Trent - Litterature americaine.djvu/259

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LES nOMANCIKItS 251

tant possible d’apprécier l’œuvre Jun écrivain et d’ignorer ses principes ; mais cela ne fut pas chose facile pour les Américains, plus ou moins empreints, eux et leur littérature, de puritanisme et d’utilitarisme. Comme nous avons eu constamment l’occasion de le signaler, les auteurs américains écrivent pour le plus grand bien du plus grand nombre. Poe, au contraire, n’écrivit pour le bien de personne. Ses écrits sont aussi éloignés de toute tendance moralisatrice qu’ils le sont de toute impure suggestion. L’Américain qui cherche dans ses lectures un amendement moral et intellectuel pour soimême ne rencontre guère dans Poe de quoi le satisfaire, tandis qu’il a beaucoup à prendre dans Ilawthorne et Longfellow. 11 n’y a pas lieu d’être surpris qu’il déclare aussitôt Poe « singulier » et assez insignifiant. De plus, si Poe afficha des théories d’art en opposition absolue avec celles qu’on admettait à cette époque, il passa aussi une grande partie de son temps à attaquer les théories ou la personne de ses confrères. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’il :ut récolté le fruit de son audace des mains de lecteurs et de critiques habitués à vénérer ses rivaux. Il ne faut pas, enfin, éprouver la moindre surprise que la recherche même de ses sujets en dehors de la vie courante ait limité la portée de ses œuvres pour un peuple qui, sans être dépourvu d’imagination, n’avait cependant pas encore fait grand effort pour la cultiver et l’alliner. Les lecteurs étrangers n’ont été influencés par aucune de ces considérations. Ils ne sont ni surpris ni offusqués d’apprendre qu’un grand artiste littéraire a pu mener une existence peu conforme aux usages conventionnels, et ils n’ont eu rien à voir dans ses querelles personnelles, lis n’ont pas l’esprit puritain et n’ont pas à se poser, en prenant un livjc, l’inévitable ([uestion de