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AVIS


SUR CETTE ÉDITION.



ES Libraires de Paris ont entrepris cette nouvelle Edition du Dictionnaire de Trevoux, qui aura beaucoup d'avantages, non seulement sur les trois précédentes, mais encore sur tous les autres Dictionnaires.

Celui de l'Académie dont il vient de paroître une nouvelle Edition en 1840, est sans contredit un Ouvrage parfait en son genre. Les définitions y sont justes & exactes ; les explications simples & naturelles ; les phrases bien choisies, & tout-à-fait dans le génie de la Langue ; la décision des difficultés courte & précise : l'Orthographe y est ramenée à l'usage le plus général, & aux règles les plus raisonnables de l'étymologie & de la prononciation : il y regne par-tout une sagesse & une oeconomie digne des grands Maîtres qui y ont travaillé.

Mais ce Dictionnaire, suivant le plan que l'on s'y est proposé, se renferme uniquement dans ce qui regarde la Langue, & dans les expressions autorisées par l'usage actuel. On n'y trouve pas les mots qui ont rapport à l'Histoire, à la Géographie, aux Arts & aux Sciences, ni ceux que l'usage n'admet plus, & qu'il est pourtant nécessaire de savoir pour l'intelligence des Auteurs anciens. On n'y trouve pas même bien des mots du style familier, dont on se sert très-communément. Parce que les définitions y sont précises, elles laissent à desirer à bien des personnes des explications plus étendues, & une connoissance plus détaillée des circonstances. En un mot, il n'a pour objet que de fixer & de déterminer l'usage & les divers sens des expressions qui doivent entrer dans le langage ou dans la composition.

Le Richelet dans son origine n'avoit guère plus d'étendue que le Dictionnaire de l'Académie ; & l'on sait que la plupart des augmentations qui y ont été faites, ne l'ont pas rendu beaucoup plus instructif ni plus intéressant. D'ailleurs, l'orthographe qu'on y a suivie est singuliere, & n'est pas autorisée par l'usage, qui respecte toujours les étymologies.

Il passe pour constant que tout ce qu'il y a de bon dans le Furetiere a été pris du Dictionnaire de l'Académie, & que c'est ce qui en a fait le principal mérite. La partie dont Furetiere se faisoit le plus d'honneur, étoit celle des Arts & des Sciences, & c'étoit précisément celle qui valoit le moins, parce qu'on manquoit alors des secours qui nous sont venus depuis, & qui ont beaucoup con-


tribué à la réputation du Dictionnaire de Trevoux.

On peut dire de ce dernier Dictionnaire que c'est proprement un Furetiere, un Basnage, un Richelet, & un Corneille, que l'on a amplifiés, & auxquels on a ajoûté un grand nombre de sentences, de maximes, de réflexions, de proverbes, & de passages choisis, tirés de toutes sortes d'Auteurs, tant en prose qu'en vers. Ce qui y a paru de plus utile regarde les Sciences & les Arts, dont les termes ont été puisés dans les Livres les plus estimés sur chaque matiere. On a été bien-aise d'y trouver les noms des principales Provinces & Villes du monde, leur situation, & ce qu'elles ont de plus remarquable. On a cru devoir y donner une idée des divinités payennes & des hommes illustres de l'Antiquité, dont la réputation est le plus généralement répandue, & dont on entend tous les jours parler dans le commerce du monde. Les amateurs du vieux style peuvent y satisfaire leur curiosité sur la plus grande partie des mots hors d'usage, qui se lisent dans les Auteurs anciens, & qui ont souvent plus de force & d'énergie que ceux qu'on leur a substitués. On n'y a pas oublié les mots de conversation ; ceux qui ne sont en usage que parmi le peuple ou dans les Provinces, & qu'on ne trouve pas ordinairement dans les autres Dictionnaires. Enfin on doit le regarder comme un excellent répertoire, non seulement de tous les mots admis dans les différentes sortes de langages, mais encore de faits curieux & de traits d'érudition, qui y répandent une agréable variété, & qui ne peuvent manquer d'attacher & de satisfaire l'esprit des Lecteurs.

Mais malgré tous ces avantages, il s'y étoit glissé bien des défauts & des négligences que l'on s'est proposé de réformer dans cette nouvelle Edition.

L'orthographe y étoit irrégulière & contraire à l'usage général. On y avoit laissé dans le corps des mots les s & autres lettres qui en ont été retranchées depuis long-temps, parce qu'elles ne s'y prononcent pas. On avoit écrit, par exemple, advertir, advocat, abysme, blasmer, &c. quoiqu'il soit généralement reçu d'écrire avertir, avocat, abîme, blâmer ; & par un systême assez singulier, on n'avoit mis ces lettres inutiles que dans les premiers mots imprimés en capitales ; encore y étoient-elles en petits caractères romains, & elles n'y paroissoient plus ensuite dans les mêmes mots employés pour exemples, & tirés des différens Auteurs : ce qui étoit autoriser une orthographe