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PREFACE. v


exige de lui, a quelque chose qui le choque & qui le révolte; & il est au contraire flatté agréablement par la déférence & le ménagement que font paroître pour ses lumieres ceux qui n'avancent rien sans l'appuyer de preuves solidés & de bons témoignages. Il aime à être instruit, mais il n'aime pas qu'on lui fasse des leçons ; & il présume qu'on lui en veut faire, lorsque sans citer, on semble lui prescrire d'autorité, qu'il faut parler de telle ou telle maniere, ou qu'on ne doit pas se servir de telle ou telle expression ; au lieu que ceux qui citent, semblent moins lui prescrire comment il faut parler, que lui apprendre comment ont parlé les plus célèbres Auteurs. Il se figure que les premiers veulent lui imposer une espèce d'obligation & de nécessité de se rendre à leurs décisions ; & c'est ce qui ne lui plaît pas. Il s'imagine au contraire que les seconds ne font que lui exposer les sentimens & l'usage des meilleurs Ecrivains, en lui laissant la liberté de s'y conformer, s'il le juge à propos ; & c'est ce qui flatte sa vanité. Enfin, il regarde les uns comme des Juges supérieurs qui donnent des Arrêts, & qui veulent qu'on s'y soûmette sans autre discussion ; au lieu qu'il considere les autres comme des amis éclairés, qui déliberent avec lui, si l'on peut user de telle expression, sur la foi & sur l'autorité de tels & tels Auteurs qui en ont usé ; ce n'est point une loi qu'on lui fait ; c'est un avis qu'on lui propose ; c'est un conseil qu'on lui donne, & auquel il se rend d'autant plus volontiers, qu'il semble le faire avec moins de contrainte.

On ne prétend point se faire ici un mérite auprès du Public, d'avoir suivi cette derniere méthode dans le nouveau Dictionnaire qu'on lui présente, puisque, comme je l'ai remarqué, on n'a pû se dispenser de la suivre ; mais si l'on a lieu de se promettre quelque faveur auprès de lui, c'est uniquement sur le soin & l'application qu'on a apporté à rendre cet Ouvrage plus complet, plus étendu & plus correct qu'aucun de ceux qui ont paru jusqu'ici en ce genre. Ce qu'on en dit, au reste, n'est point pour diminuer en rien la gloire de ceux qui ont travaillé aux autres Dictionnaires ; ils sont tous très-louables dans ce qu'ils ont fait, & très-excusables dans ce qui leur a échapé. Il n'est presque pas possible de finir absolument ces sortes d'Ouvrages. Si nous avons été plus loin que les autres, nous ne nous flattons pas pour cela que personne ne puisse aller plus loin que nous ; mais je ne crois pas qu'on trouve à redire que nous croyions être approchés de plus près que les autres, de ce point de perfection que tous se proposent, & où il est difficile de parvenir. Ceux qui viennent les derniers, ont un grand avantage sur ceux qui les ont précédés, en ce qu'ils peuvent profiter de leurs lumieres, quelque différence qu'il y ait dans la méthode qu'on suit, & dans la maniere d'exposer les choses. Car, quoiqu'on travaille sur le même fonds, on ne suit pas toujours la même route, & l'on ne se tient pas toujours dans les mêmes bornes ; & si l'on convient pour le principal, on ne convient pas quelquefois pour le détail, & pour le tour & l'explication. C'est ce qui fait que cette multiplicité de Dictionnaires, loin d'être onéreuse au Public, lui est au contraire d'un grand avantage & d'un grand secours, en ce qu'elle lui fournit de nouvelles autorités, & qu'en confrontant ensemble ces Livres différens, on n'a point de peine à se rendre sur les point dont ils conviennent. Que s'il s'en trouve sur lesquels ils ne soient pas d'accord, on peut peser leurs raisons & leurs autorités, & l'on se voit en état d'en juger par soi-même, & de prendre le parti qu'on juge le meilleur, tout bien considéré.

Ce qu'on peut dire en général de ce nouveau Dictionnaire, c'est qu'il n'y en a peut-être point qui porte avec plus de justice le titre de Dictionnaire Universel. Car quoiqu'on se soit attaché à exposer de la maniere la plus précise & la plus courte qu'on a pû, tout ce qui est renfermé sous ce titre, cependant il est certain qu'il embrasse universellement tout ce qui a quelque rapport à la Langue, & qu'il n'exclut que les faits purement historiques. Ainsi, quoiqu'on n'ait point fait une longue énumération de toutes les Sciences & de tous les Arts, dont ce Dictionnaire explique les notions & les termes, on conçoit aisément qu'ils sont tous compris sous ce titre général de tout ce que renferment les Sciences & les Arts, soit libéraux, soit mécaniques.

On y trouvera en effet tout ce qui regarde la Philosophie & chacune de ses parties,


Tome I. c