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xiv PREFACE.


re, on auroit plus d’estime & plus de reconnoissance que l’on n’en a communément, pour ceux qui osent entreprendre un travail, d’un côté si utile, mais de l’autre si pénible, si désagréable, & si ingrat. Scaliger l’a dit, & il est vrai.

Si quem dura manet sententia judicis olim,
Damnatum aerumnis suppliciisque caput :
Hunc neque fabrili lassent ergastula massâ,
Nec rigidas vexent fossa metalla manus.
Lexica contexat : nam, caetera quid moror ? omnes
Pœnarum facies hic labor unus habet.

C’est-à-dire, selon l’imitation qu’on en a faite, & qui, poëtiquement parlant, est vraie.

Si quelqu’un a commis quelque crime odieux,
S’il a trahi son pere ou blasphémé les Dieux,
Qu’il fasse un Lexicon, s’il est supplice au monde
Qui le punisse mieux, je veux que l’on me tonde.

On ne s’est pas borné dans cette quatrième édition, à donner simplement cet Ouvrage tel qu’il étoit dans la troisième ; comme le travail doit toujours tendre au mieux, & chercher même à perfectionner, autant qu’il est possible, il a fallu revoir tous les articles de ce Dictionnaire, réformer & corriger en quelques endroits ; enfin, rétablir l’ordre en d’autres, ainsi qu’on pourra le remarquer, en se donnant la peine de comparer cette dernière édition avec les précédentes.

On a marqué les lettres muettes & les accens plus exactement qu’auparavant ; ce n’est pas que dans l’impression il ne se soit encore glissé quelques fautes ; mais que l’on corrigera facilement, ou en recourant à la place propre & particuliere du mot dont on doutera, si ce n’est pas là-même qu’est la faute, ou par soi-même, si c’est là. Les accens regardent sur-tout les e : cette lettre a tant de différens sons dans notre Langue, qu’il est souvent difficile de les distinguer, tant la différence est délicate ; & quand on le pourroit toujours faire, on ne trouveroit pas dans l’Imprimerie des caractères pour en marquer exactement la distinction. Mais on peut rapporter ces différences à quatre principales, & il a fallu nous contenter de ce nombre. La première est celle de l’e muet, c’est-à-dire, qui ne se prononce point ou presque point ; cet e n’a point d’accent. La seconde est l’ê avec un accent circonflexe ; c’est lui qu’on appelle ouvert, parce qu’il se prononce en ouvrant beaucoup la bouche. La troisième est l’é fermé, qui se marque avec un accent aigu, c’est-à-dire, une petite ligne tirée de droit à gauche, & qui se prononce la bouche presque fermée. Et la quatrième, l’è qui a un accent grave, ou une ligne tirée de gauche à droite, & pour la prononciation duquel on ouvre plus la bouche que pour l’é fermé, & moins que pour l’ê ouvert. Toutes les prononciations mitoyennes entre ces quatre, sont souvent si imperceptibles, qu’il n’est presque pas possible de les discerner, ou si indifférentes, qu’il importe peu de les exprimer en parlant. D’ailleurs, dans les quatre même que nous désignons, l’usage est quelquefois double ou très-douteux, & tel mettra un accent grave où un autre place un aigu ; mais nous croyons pouvoir assûrer qu’on ne fera point de fautes bien sensibles, en suivant ce que nous avons marqué, & rapportant tous les e à ces quatre prononciations.

Mais rien ne prouve tant le desir ardent que nous avons eu de rendre cet Ouvrage recommandable, que le travail où nous nous sommes engagés pour rapporter les étymologies de tous les mots François. Il a fallu pour cela faire des recherches infinies dans les meilleurs Auteurs qui ont travaillé en ce genre. Menage, Du Cange, Saumaise, Vossius, Ferrari, Caseneuve, Guichard, le P. Thomassin, le P. Dom Paul Pezron, Pâquier, Henri Étienne, Tripot, Borel, & autres, nous ont abondamment fourni tous les secours dont nous avions besoin pour cette entreprise ; aussi pouvons-nous assû-