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ABRÉVIATION, s. f. Écriture en abrégé, qui se fait avec des marques & des caractères qui suppléent les Lettres qu’on retranche, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. ☞ On ne sauroit lire les Ecrits des Rabbins, qu’on n’ait une explication des abreviations Hébraïques. Les Copistes, ou les Ecrivains Juifs, ne se contentent pas de faire des abréviations, comme les Grecs & les Latins, en retranchant quelques lettres ou syllabes dans un mot. Ils ne mettent d’un mot que la première lettre ; ר signifie Rabbi : א signifie אל, ארוגו, ou אמר, &c. Selon l’endroit où il se trouve. Souvent même ils prennent ces premières lettres de plusieurs mots de suite, les joignent ensemble ; & en y ajoûtant des voyelles, ils font un nom barbare, qu’ils donnent à la personne qui porte les noms qu’ils ont abrégés de la sorte. Ainsi Rabbi Schelomoh Jarhhi, en jargon d’abréviations Hébraiques, s’appelle Rasi ; Rabbi Moise ben Maiemon, Rambam ; & de même en d’autres dictions que les noms propres. נבוא, par exemple, est mis pour מתז בםפר יבשהאף, Donum in abdito avertit iram. Mercerus, David de Pomis, Schindler, Buxtorf, & d’autres, ont fait des explications de ces espèces de chiffres, sans lesquelles on ne peut aborder les Rabbins, sur-tout en commençant. Les abréviations de l’écriture s’appeloient Notes dans l’Antiquité. On les appelle encore ainsi dans les anciennes inscriptions Latines. Plusieurs ont fait des collections & des explications des abréviations Romaines. Une des plus amples est celle de Sertorius Ursatus, qui se trouve à la fin des Marbres d’Oxford. Sertorii Ursati Equitis, de notis Romanorum Commentarius. Tous ces mots viennent du Latin Abbreviare, dont l’origine est brevis, bref, court, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

ABREUVER, ABREUVOIR, Voyez Abbreuver, Abbreuvoir.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoiqu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode. Mol.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Mouillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. Perfugium tutum à &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sureté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis. Il est à l’abri de la persécution. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces. Sa vertu s’est maintenue sans tache à l’abri de son peu de mérite. Vill. ☞ Dieu l’a retiré des agitations du monde, & l’a mis comme dans un abri, pendant que tout est dans la confusion, & dans le trouble. Ab. d. l. Tr. Dieu est le maître des Monastères. C’est lui qui doit faire les vocations de ceux qui viennent y chercher des retraites & des abris contre les orages du monde. Id. Il arrive des tentations qui nous arrachent des abris, dans lesquels nous nous étions réfugiés. Id.

A l’abri d’une longue & sure indifférence,
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense. Des Houl.

Si dans la pauvreté l’on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exemt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Boileau parle de certains Abbés dont tout le métier,

Est d’aller à l’abri d’une perruque blonde,
De leurs froides douceurs fatiguer le beau monde,

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré, ☞ qu’on l’a mis en prison.

☞ ABRIC. s. m. Quelques Chymistes Anglois nomment ainsi le soufre. Harris, Boyer.

☞ ABRICORNER. v. a. Inducere. Borel dit que ce mot vouloit dire autrefois Charlater ; c’est-à-dire, Engager comme font les Charlatans ; gagner, obtenir ce qu’on veut. Il cite une vieille traduction d’Ovide, où il est parlé de ce que fit Ulysse pour obtenir qu’Iphigénie fût sacrifiée.

Bientôt la mere abricorner.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verds, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le mâle, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier. ☞ Un des plus habiles Botanistes qui soient en France, nous avertit qu’il ne connoît point ces deux espèces-ci d’abricots, & qu’il les croit fort extraordinaires, si elles ne sont pas supposées.

☞ Les abricots verds sont les premiers fruits qui se confisent.


☞ On les prend tendres, avant que le bois du noyau commence à se durcir. On les passe dans l’eau claire, avec un peu de bon tartre pour détacher la bourre qui est dessus ; puis on les essuie chacun à part, pour ôter cette bourre, & on les confit, mettant une livre de sucre pour chaque livre de fruit : si c’est pour manger en compote, il suffit de demi-livre de sucre sur une livre de fruit. Les abricots, en leur parfaite grosseur, se confisent pelés & sans peler. Voyez dans Chomel la manière de faire les compotes, les marmelades, les pâtes, & les confitures d’abricots. On dit non-seulement, Une marmelade d’abricots, Une compote d’abricots ; mais encore, Des abricots en compote, Une assiette d’abricots en marmelade, Des abricots confits.

☞ Blanchir ou faire blanchir des abricots. Terme de Confiseur. C’est la première façon qu’on leur donne pour les confire. Elle consiste à les jeter dans l’eau bouillante ; après leur avoir ôté le noyau. Il faut prendre garde qu’ils ne se lâchent trop dans l’eau. Ensuite on les tire proprement avec une écumoire, & on les met égoutter sur un tamis.

☞ Peler des abricots verds. Terme de Confiseur. C’est leur ôter la bourre, ou la première peau, pour les mettre en confiture ou en compote. Cela se peut faire en deux manières. La première est de mettre les abricots verds dans une serviette, & suivant la quantité que l’on en a, broyer du sel à proportion le plus menu que l’on pourra, & le jetter sur les abricots, que l’on arrose ensuite avec une cuillerée d’eau & de vinaigre. On peut les laisser ainsi dans la serviette, ou les sasser bien d’un bout à l’autre de la serviette, jusqu’à ce que la bourre au premier feu soit tombée. Il faut ensuite faire tomber le sel, les jetter dans l’eau fraîche & les bien laver. L’autre manière est de faire une lessive avec de la cendre de bois neuf, & lorsque la cendre aura bouilli, jetter les abricots dans cette lessive parmi la cendre, & la faire bouillir, jusqu’à ce qu’ils se débourrent & quittent leur première peau, en les frotant doucement avec les mains. Si l’on n’a point de bonnes cendres, on peut faire une lessive de cendres gravelées. Enfin, on les lave comme à l’autre manière.

☞ ABRICOT HATIF, petite espèce d’abricot. La chair en est fort blanche, & la feuille plus ronde, & plus verte qu’aux autres ; mais pour cela il n’est pas meilleur. Id.

☞ Les abricots ordinaires sont bien plus gros, & ont la chair jaune, & ne meurissent que vers la mi-Juillet. Il en faut mettre aux quatre expositions pour en sauver, quand il vient de gelées pendant la fleur. Id.

☞ En Angoumois il y a un petit abricot à amande si douce, qu’on la prendroit presque pour des avelines. On laisse souvent les noyaux pour les manger. Cet abricot a la chair blanche, & est très-bon en ce pays-là, il n’en naît guère qu’en grands arbres ; & voilà ce qui a établi la réputation de sa bonté. Id.



C iij ABRICOTÉ.