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la postérité qui habita ce pays. Virgile semble être de ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 177.

Saturnusque Senex Janique Bifrontis Imago,
Vestibulo adstabant, aliique ab origine Reges.

Car Servius remarque, que ab origine Reges, est mis pour Ab originum Reges. & Pline, Liv. IV dit qu’on appelle les Tyriens Aborigines Gadium, les Aborigines de Cadix, parce qu’ils en étoient les fondateurs. 3°. Denis d’Halicarnasse croit qu’ils sont appelés Aborigines ; Ἀϐοριγῖνες de ce qu’ils habitoient les montagnes, comme qui diroit Ἀπὸ ὄρεσι à Montibus. Virgile semble favoriser ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 321. v. 177.

Is genus indocile ac dispersum, Montibus altis
Composuit, legesque dedit.

D’autres, dit Danet, en suivant la même opinion, le dérivent de ab, pere, & de ori, caverne, ou lieu creux. L’origine est Hébraïque, mais il falloit dire, har, ouhor, Montagne, pere des montagnes : fils des montagnes, בני הרים seroit plus dans le génie de la Langue Hébraïque.

Quelques Auteurs prétendent que Cham, qui étoit le Saturne des Egyptiens, ayant ramassé divers peuples errans, les conduisit en Italie. Tite-Live & Denis d’Halicarnasse assûrent que les Aborigines vinrent d’Arcadie sous la conduite d’Œnotrus, fils de Lycaon : Genebrard prétend que ce sont des Phéniciens, ou Chananéens chassés par Josué. Outre les Auteurs que je viens de citer, voyez Suidas, & les Notes de Portus. Jean Picard dans la Celtopædie, Liv. V, prétend que les Aborigines étoient une Colonie Gauloise. Il se fonde non-seulement sur Caton & Solin, mais encore sur Timagène, fameux historien Grec, dont Suidas nous a conservé le témoignage, & sur Ammien Marcellin, qui dit, que les Aborigines parurent d’abord dans les Gaules. Danet & Maty écrivent Aborigènes, mais M. Corneille écrit Aborigines.

ABORNER, v. act. Terme de Géométrie. Donner des bornes à une terre. Limites ponere, statuere.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un Enfant en cette phrase de l’Ecriture : Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi souvent en Médecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

ABOUCHEMENT, s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conférence. Collocutio. L’abouchement des Grands Princes à été souvent nuisible à leurs Etats. On a plutôt terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de négociation par lettres.

Abouchement, Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arteriarum concursus.

ABOUCHER, v. act. Aborder quelqu’un, lui parler tête à tête, conférer avec lui bouche à bouche. Colloqui. On ne peut aboucher cet homme là, tant il a d’affaires. Il signifie aussi, Faire conférer une personne avec un autre. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de Parti s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se sont abouchés pour la Paix des Pyrenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent. Confluere, conjungi.

ABOUEMENT, ou plutôt BOUEMENT, s. m. Terme de Menuiserie. On appelle assemblage d’abouement, celui où la plus grande partie de la pièce est quarrée, & la moindre partie à onglet.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recépage.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

ABOUTÉ. adj. Terme de Blason, qui se dit de quatre hermi-


nes dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

ABOUTIR, v. n. Finir, tendre, se rendre, terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette Pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Cette grande recherche n’aboutira à rien. Ce long compliment n’a abouti qu’à me demander de l’argent à prêter. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Médecine, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto superaddere. On se sert pour cela de coins, & autres outils ; mais ensorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

Aboutir, v. n. & n. p. avec le pronom personnel, se dit en termes de jardinage, pour signifier que les arbres sont boutonnés. Ainsi nos Jardiniers disent : Nos arbres s’aboutissent fort bien cette année. Les poiriers s’aboutirent très-peu l’année passée. Nos péchers sont bien aboutis. On applique ce mot aux arbres par rapport à aboutir, qui signifie à l’égard des animaux, faire comme une espèce de tête, un abcès ; en Latin, Caput facere ; parce que les boutons des arbres naissent comme de petites têtes. Liger. Peut-être aussi que les Jardiniers qui n’entendent pas tant, de finesse, l’ont tiré de bouton, & l’ont dit au lieu de boutonner. Je doute que nos Jardiniers sachent ce que veut dire aboutir en termes de Médecine. Arbres bien ou mal aprêtés, bien ou mal préparés, bien ou mal aboutis, sont termes qui signifient la même chose. La Quint.

ABOUTISSANT, ante. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la varenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Savoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT, s. m. Terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’allonger.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mortoise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, On remanie about.

Tous ces mots viennent de bout.

ABOYER, Voyez ABOYER.

ABR.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’est dans la 192e Lettre à M. Costar, qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre.

Inscribas chartæ quod dicitur Abracadabra.
Sæpius & subter repetas, mirabile dictu,
Doneo in angustum redigatur littera conum.

C’est-à-dire, Abracadabra, & au-dessous Abracadabr, & à la troisième ligne, Abracadab, &c. Mr Voiture a raison de se railler de cette recette, & on auroit de la peine à croire que personne y eût jamais ajoûté foi, si l’on ne savoit d’ailleurs de quels excès l’esprit humain est capable, lorsqu’il s’abandonne à la superstition & à l’amour des nouveautés en fait de Religion.

Abracadabra, étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’Auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien.


Tome I. C ij Il