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Les principaux auteurs sur les Abyssins sont Jean de Léon & Marmol, Description de l’Afrique. Franc. Alvarez, Balthasar Tellez, d’Alméida Jésuit. Hist. de la haute-Eth. Ludolf. L’Hist. de la Comp. de Jes. T. i. L. 15. T. ii. L. 1. T. iv. L. 5. T. v. L. 22. Louis de Urreta Dominicain, Hist. de l’Ethiopie en Espagnol. Marmol. L. XC. 23. Juan. Nicol. Pechlin a fait un Livre De habitu & colore Æthiopum, imprimé à Francfort en 1684. Le P. Urreta, Dominicain, rapporte d’autres étymologies dans son Histoire d’Ethiopie, p. 3. Strabon dit, L. xvii. qu’Abassie signifie en Egyptien, un pays inhabitable entouré de déserts & de montagnes impraticables, de l’α privatif, & de βάτος, qui vient de βαίνω, je vais, comme qui diroit, un pays où l’on ne peut aller ni pénétrer. D’autres disent qu’Abassie signifie une terre puissante, abondante en hommes, en fruits de la terre, en mines & en richesses. Mais cet auteur rejette avec raison ces opinions, & s’en tient à celle que nous avons rapportée d’abord. Ce sont les peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’hui nommée Abassie. Ce sont les Arabes qui leur ont donné ce nom, que les Abyssins ont rejeté long-temps comme injurieux, & qu’ils ne prennent point encore dans leurs Livres, parce qu’en Arabe il signifie un mélange, un assemblage de plusieurs Nations. Ils s’appellent Ethiopiens, Itiopiavian, & leur pays Mangesta-Itiopia, Royaume d’Ethiopie, ou d’un nom plus particulier encore, Geez, ou Beera Agazi, Pays de liberté, oumedera Agazian, la terre des Libres, ou des Francs ; car ils se donnent le nom de Agasi, Libre, Franc, & au pluriel Agasian, Libres, Francs, ou bien Gens qui ont décampé, qui sont venus d’un endroit éloigné, de sorte qu’ils s’appellent ainsi, ou pour se vanter d’être libres, ou pour marquer qu’ils ont passé de l’Arabie heureuse, où est l’ancienne Ethiopie, dans le pays qu’ils occupent, & dans lequel ils passerent pendant la servitude des Israëlites en Egypte, si l’on en croit Eusèbe, ou vers le temps de Josué & des Juges, selon Syncellus, p. 151. Ludolf croit que ce sont des Homérites, ou Sabéens, appelés autrement par les Grecs Axumites, ou pour le moins une colonie de ces peuples qui passa la mer Rouge, & vint s’établir dans l’Afrique. Etienne le Géographe appelle Abesins, Αβήσινος, un peuple de l’Arabie ; & son Commentateur croit que c’est le peuple qui a passé en Afrique. Si cela est, ce nom est très ancien, & ne leur a pas été donné à cause de leur passage. Les Abyssins sont Mores, Olivâtres, ou noirs selon les diverses provinces qu’ils habitent. Maty.

Les Abyssins, pour le temporel, sont gouvernés par un Prince qu’ils appellent Négus ; titre qui répond à celui de Roi, & qui peut paroître, avec probabilité, très-ancien, puisque nous trouvons dans l’Ecriture un Roi d’Egypte nommé Pharaon Nécao, & dans Hérodote Νεϰός Necus. Linschot dit qu’il se nomme aussi Belgian, que Bel signifie très-haut & très-parfait ; Gian, Prince ou Seigneur ; que le nom de David est un surnom, tel que celui de César, que les Empereurs Romains portent ; & que les Ethiopiens le nomment Talac, ou Avia Négous. Il se dit être de la Tribu de Juda, & s’appelle fils de David & de Salomon, dont ils prétendent que la Reine de Saba eut un fils duquel ils descendent, si l’on veut en croire leurs fables. Ils prétendent encore avoir été convertis à la foi Chrétienne par l’Eunuque de la Reine Candace, baptisé par S. Philippe, Act. VIII, 27. Pour le spirituel ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoie le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui réside au Caire ; desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Savans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslèbe qui a rapporté ce Canon dans son Histoire de l’Eglise d’Alexandrie, Chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670, les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres, vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Pa-


triarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être luë.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion, comme le témoigne Claude, Roi d’Ethiopie dans sa confession. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Voyez URRETA Dominicain, Histoire d’Ethiopie, Liv. II. Ch. 6. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération. Marmol assure néanmoins qu’ils observent la circoncision comme un sacrement, & [51] qu’elle se fait le huitième jour dans le logis, & par un prêtre : ce qui a bien plus l’air d’une cérémonie de Religion, que d’une simple opération de Chirurgie.

Leur canon des saintes Ecritures est tout semblable au nôtre, & l’on y voir Tobie, Judith, Esther, le Livre de la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, & les deux Livres des Macchabées. Ils honorent & prient les Saints ; ils prient pour les morts. Ludolf lui-même l’a remarqué, Liv. iii. Ch. 6. Ils croient la présence réelle, &c.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Chaldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Chaldée. Quoiqu’elle soit différente du Chaldéen ordinaire, elle a cependant beaucoup de rapport à cette Langue, aussi-bien qu’à la Langue Arabique, & il semble qu’elle en soit formée. On l’appelle Langue Ethiopienne ; mais elle n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’hui. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle, & ne fasse une syllabe. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI. On peut voir aussi l’Histoire Ethiopienne faite en Latin par M. Job Ludolf, dont nous avons aussi la Grammaire, le Dictionnaire & le pseautier Ethiopique. Jamais Européen n’a si bien entendu cette langue que lui, & n’a eu plus de zèle pour la faire connoître en Europe.

Les Abyssins servent toujours parmi leurs mets trois plats, dans l’un desquels il y a des poires coupées en forme de croix, dans l’autre des cendres, & dans le troisième du feu. Ce sont des mets pour l’esprit, & destinés à les faire souvenir de la Passion du Sauveur, de la mort, & de l’enfer. Leurs prêtres portent toujours une croix à la main. Maty. Les Abyssins ne fortifient point de place. Ils ne mettent, disent-ils, la force d’un pays que dans les bras & les armes des combattans, & non pas dans des pierres & des murailles. Voyez Ablancourt, traduction de Marmol, L. I. de l’Afrique, C. 20 & L. X. C. 23. Les Abyssins ne mangent point de cochon, ni de sang, ni d’animaux suffoqués, ni le nerf du jarret, que les Juifs appellent le nerf défendu. Ludolf, L. III, C. I.

Abyssin, ine. adj. Abyssinus. L’Eglise Romaine, la Grecque, ou l’Abyssine. Peliss.

ABYSSINIE. s. f. Abassia, Abyssinia, Æthiopia superior, ou interior. Grand pays dans la partie méridionale de l’Afrique, au-dessous de l’Egypte, connu des Anciens sous le nom d’Ethiopie ; & dans des siècles plus voisins du nôtre, sous le nom d’Inde moyenne. On le renferme aujourd’hui entre le 62e degré 50 minutes, & le 73e d. 40 min. de longitude, & entre le 7e & 16edegré 9 min. de latitude septentrionale. On comptoit autrefois dans l’Empire d’Abyssinie 36 Royaumes & 14 provinces principales. Mais en 1537 les Galles, peuple situé au midi de l’Abyssinie, en conquirent plusieurs provinces. Ce pays est arrosé de trois grandes rivières principales ; le Nil, qui y prend sa source, le Tagaze, ou Thékaze, & le Maleg. Ces fleuves le rendent très-fertile dans les endroits où ils coulent : ailleurs ce ne sont souvent que des rochers & des cavernes affreuses. Il y paroît souvent des sauterelles en si grand nombre, qu’elles obscurcissent l’air, & ravagent toutes les campagnes où elles s’arrêtent. Il n’y


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