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ADO ADO


processions ; quoique je n’ignore pas que les Mythologues, qui ont obscurci par leurs fictions la vérité de l’Histoire, rapportent l’origine des Jardins d’Adonis à ces laitues dans lesquelles Vénus mit son corps fraîchement tué. Id. Moschopulus fait venir ce nom de, je chante. C’est une erreur. Un nouveau Dictionnaire dit que Bochart remarque qu’Adon, en langue Phénicienne, ou Syriaque, signifie Seigneur. Cela est vrai ; mais c’est quand il s’écrit par un aleph, comme Adonaï dont nous avons parlé ; mais Adon peut s’écrire par un ain, & c’est de là que M. Huet prétend qu’il est dérivé ; alors Adon, signifie délicieux, beau, agréable. Certainement ce nom revient mieux à tout ce qu’on dit d’Adonis. Cependant il paroît que les Grecs l’ont tiré de אגצן, Adon, Seigneur, parce qu’ils l’ont appellé Ιτάι de ίτέα, un saule, parce qu’en Phénicien Adon, Seigneur, & Adan, saule, s’écrivent avec les mêmes lettres. Les Poëtes Grecs ont fait à l’envi des vers sur la mort d’Adonis. M. Ménage a fait sur le même sujet un petit Poëme en vers Grecs Adoniques, qui mérite d’être comparé aux anciens, dans lesquels il a pris les pensées les plus délicates & les expressions les plus polies.

Adonis, s. m. Adonis. Fleuve de la Phénicie, ainsi appellé d’Adonis. Il se jettoit dans la mer de Syrie proche Biblos, où Adonis étoit particulièrement honoré.

Adonis, étoit aussi une danse des anciens Grecs, selon Meursius ; il est vrai qu’il y avoit chez les Anciens une danse dans laquelle un Comédien ou une Comédienne, imitoient Adonis. Cela paroit dans Arnobe, Liv. vii, & par Prudence περὶ στεφ, hymne 10, mais il ne suit pas de ces Auteurs qu’elle s’appelât Adonis, quoique cela soit vraisemblable.

☞ ADONISER. v. act. Rendre beau, propre ; donner un air galant. Ce verbe se trouve dans le Dictionnaire François-Latin in-4o Paris 1618. où Ronsard est cité. La Noue, qui l’a aussi employé dans son Dictionnaire des Rimes p. 320. col. 2. dit que c’est faire beau comme Adonis. Ce mot est encore dans Cotgrave.

Je suis adonisé, dites-vous, belle Iris.
Pourquoi s’en étonner ? la raison en est claire.
Pour voir une Vénus, Iris, & pour lui plaire.
Faut-il pas être un Adonis.

Poësies à la fin de la Vie de Pedrille del Campo.

L’envie que j’avois de paroître agréable à cette Dame, me fit employer trois bonnes heures pour le moins à m’ajuster, à m’adoniser ; encore ne pus-je parvenir à me rendre content de ma personne. Pour un adolescent qui se prépare à voir sa Maitresse, ce n’est qu’un plaisir ; mais pour un homme qui commence à vieillir, c’est une occupation. Gil-Blas.

Il dort le jour, il s’adonise,
Vit d’emprunt, dépense à sa guise… Du Cerceau.

Adonisé. part. pass. paré, galamment ajusté.

☞ ADONISEUR. s. m. Celui qui adonise. Le Spectateur Suisse dit, en parlant d’un petit Maître, qu’un Barbier venoit de friser & de poudrer : tout cela s’est fait avec beaucoup de patience de part & d’autre, je veux dire de celle de l’Adonis & de l’Adoniseur. Merc. Déc. 1723. On voit par ce dernier terme, ajoute l’Auteur du Mercure, que notre prétendu Misantrope (c’est ainsi qu’il appelle le Spectateur Suisse) commence à s’humaniser avec le jargon du temps.

ADONNER. v. neut. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se donner, s’appliquer, s’attacher à quelque exercice, à quelque profession. Dedere se. Ce jeune homme s’est adonné à l’étude de la Jurisprudence. Celui-là s’est entièrement adonné aux Mathématiques.

Adonner, se dit des personnes que l’on voit, chez qui l’on va souvent. Comme il étoit Gascon, il s’adonna chez le Maréchal de Grammont. Bussi.

Adonner, se dit aussi en ce sens en parlant des choses où notre plaisir & notre inclination nous portent. Ce jeune homme est adonné aux femmes, au vin, au jeu : cet autre est adonné à l’étude, à la chasse, aux armes. Heureux celui qui s’adonne à la vertu.

On dit quelquefois d’un chien, qu’il s’est adonné dans une


maison ; pour dire, qu’il y est venu de lui-même, qu’il s’y est apprivoisé. On le dit aussi des hommes qui s’intriguent & se familiarisent dans quelque maison. Admiscere se.

On dit en termes de Marine, que le vent adonne, quand il change, & devient plus favorable qu’il n’étoit.

s’Adonner. Le Peuple dit aussi en parlant des chemins : Je vous prie de passer chez moi, quand votre chemin s’adonnera de ce côté-là. Cùm iter feret.. Quand on est égaré dans une Forêt, on marche selon que le chemin s’adonne ; selon les sentiers qu’on trouve.

Adonné, ée, part. pass. & adj. Deditus. Ce mot vient de ad & de donare.

ADOPTER. v. act. Prendre un étranger pour le faire entrer dans la famille, comme son propre fils, & lui donner droit à sa succession, en cette qualité. Adoptare. La coutume d’adopter étoit fort familière aux Romains, ils l’avoient prise des Grecs, qui l’appeloient ὑίωσις ; mais elle n’est point en usage en France. Elle a encore lieu en quelques endroits de l’Empire. Celui qui étoit adopté passoit dans la famille, & entroit sous la puissance paternelle de celui qui l’adoptoit ; mais il n’étoit point délivré de celle de son père naturel, qui conservoit ses droits.

Du Cange dit que ce mot vient du Latin adoptare, d’où on a fait dans la basse Latinité adobare, qui signifie, faire Chevalier, ceindre l’épée:d’où est venu aussi le mot de miles adobatus, qui signifioit un Chevalier nouvellement fait, parce que celui qui le faisoit Chevalier, en faisoit une espèce d’adoption.

On dit aussi, par la Passion de Jesus-Christ, nous sommes adoptés enfans de Dieu ; nous avons part à l’héritage céleste. Les Religieux ont mis la réforme dans un tel Couvent, & l’ont adopté & uni à leur Congrégation

Adopter, se dit figurément en choses morales, pour signifier qu’on s’approprie & qu’on s’empare des pensées & des ouvrages d’autrui. Vindicare, adscissere. Il se prend aussi dans un bon sens, pour exprimer qu’on approuve les sentimens d’autrui.

Adopté, ée, part. pass. & adj. Adoptatus.

ADOPTIF, ive. adj. Qu’on a adopté. Adoptativus, filius adoptivus.. L’Empereur Adrien préféroit les enfans adoptifs aux enfans naturels, parce qu’on choisit les enfans adoptifs, & que le hasard donne les enfans naturels. Les enfans adoptifs chez les Romains partageoient avec les enfans naturels. C’est pourquoi ils prenoient le nom & le surnom de celui qui les adoptoit ; seulement pour marquer leur extraction & leur naissance, ils ajoûtoient le nom de la maison d’où ils descendoient, ou le surnom de la branche particulière dont ils étoient issus. Ménage a fait imprimer un livre d’éloges, ou de vers qu’on lui a adressés, & qu’il appelle un livre adoptif, qu’il a joint à ses œuvres. D. Heinsius & Furstemberg de Munster ont aussi publié des Livres adoptifs ; c’étoient des recueils de Poësies faites à leur honneur.

Adoptif, ive, ou Adoptien, enne. Adoptivus, ou Adoptianus. Nom de Secte. Les Adoptiens eurent pour Chefs Elipand de Tolède, & Félix d’Urgel, qui avoit été son précepteur. Le premier écrivit à l’autre pour savoir de lui comment il entendoit que Jesus-Christ fût Fils de Dieu. Celui-ci lui répondit, que selon la nature humaine il n’étoit point fils naturel, mais seulement fils adoptif. Ils répandirent tous chacun de son côté cette Doctrine sur la fin du viiie siècle ; & c’est ce qui les fit appeller Adoptifs, ou Adoptiens, eux & leurs Sectateurs. Félix fut convaincu & condamné à Narbonne en 788. à Ratisbonne en 792. à Francfort sur le Mein en 794. peu de temps après par le Pape Hadrien ; en 799. par Léon III. & encore la même année à Urgel dans un Synode. Félix & Elipand revinrent de leur erreur. Félix a décrit toute cette affaire dans la Confession de foi qu’il envoya après son retour aux Clercs de son Diocèse. Nous avons aussi un Ouvrage d’Alcuin contre Félix & Elipand. Il y soutient que c’est retomber dans le Nestorianisme de distinguer en Jesus-Christ deux Fils de Dieu, l’un naturel, & l’autre adoptif ; & deux Dieux, l’un vrai, & l’autre nuncupativus, qui ne l’est que de nom. On appelle Féliciens ceux qui suivirent Félix & Elipand, du nom de Félix, qui en étoit Auteur. Feliciani. Et leurs erreurs, l’Hérésie Félicienne. Haeresis Feliciana. Il y a dans les Nouvelles Littéraires de la Mer Baltique 1699. au mois d’Août, p. 238. & suivantes, une Dissertation de


Jean