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cusent la Providence parce qu’elle rend l’adultère aussi fécond qu’un mariage légitime, se scandalisent mal-à-propos. La Plac. Par l’ancien Droit Romain il n’y avoit point de Loi établie contre l’adultère : l’accusation & la peine en étoient arbitraires. L’Empereur Auguste a été le premier qui en a fait une Loi, qu’il a eu le malheur de voir exécuter dans la personne de ses propres enfans. C’est la loi Julia. Quoique par cette loi l’accusation du crime d’adultère fût publique, & permise à tout le monde, il est pourtant certain que ce crime a été plus considéré comme un crime domestique, & particulier, que comme un crime public. On permettoit rarement aux étrangers d’en poursuivre la vengeance ; sur-tout, quand le mariage étoit paisible, & que le mari ne se plaignoit point. La raison qu’en apporte Papinien est qu’il est très-difficile d’arrêter une si juste douleur, Papin, ad L. Jul. de adult. Et les Constitutions des Empereurs avoient abrogé les Loix qui permettoient aux étrangers l’accusation d’adultère. La raison est, que cette accusation ne pouvoit être intentée, sans mettre de la division entre la femme & le mari ; sans mettre l’état des enfans dans l’incertitude ; sans attirer sur le mari le mépris & la risée du public ; & sans couvrir la famille de honte, & de confusion. Comme le mari est le plus offensé, il est juste quand il garde le silence, que personne ne parle pour lui. On doit supposer qu’étant le principal intéressé à examiner les actions de sa femme, il en juge aussi avec plus de circonspection ; parce qu’il y a un peril égal ou à croire légèrement, ou à croire difficilement. C’est pourquoi la Loi en certains cas l’a établi Juge, & exécuteur en sa propre cause : elle lui a permis de se venger par lui-même de l’injure qui lui étoit faite, & de ravir la vie à des adultères qu’il surprenoit souillant son lit, & qui étoient assez hardis pour lui ravir l’honneur. Dans le cas de la complicité du mari ; c’est-à-dire, ou lorsque le mari faisoit un commerce infame de la débauche de sa femme ; ou qu’ayant vû de ses propres yeux l’infidélité de sa femme, il n’entroit pas dans une juste indignation, & dissimuloit l’affront en le souffrant patiemment ; en ce cas l’adultère devenoit un crime public, & la Loi Julia décernoit même des peines contre ces infames maris. En France l’adultere n’est point entre les crimes publics. Le mari seul, en peut former l’accusation, & en exercer la vengeance : les gens du Roi n’y sont pas même reçus. Il faudroit un scandale bien notoire, pour autoriser les étrangers à se porter accusateurs. Socrate, L. V. C. 8. dit, que sous Théodose l’an 380. on châtioit les femmes adultères par une constupration publique. Lycurgue ordonna qu’on puniroit l’adultère comme le parricide. Les Locriens leur arrachoient les yeux. Val. Max. L. VI. C. 5. Les Orientaux les punissent sévèrement. Voyez Tavernier, Relat. du Tunquin C. 7. Toute la peine que l’on inflige à la femme surprise dans le crime, & convaincue d’adultère, est de la priver de sa dot, & de toutes ses pactions matrimoniales, & de la reléguer dans un Monastère. Cependant l’adultère est un empêchement légitime au mariage entre les personnes qui l’ont commis. C’est la décision du Pape Léon, Ne quis ducat in matrimonium quam priùs polluit per adulterium.. On ne doit pas souffrir que ceux-là s’unissent par le lien du mariage, qui en ont souillé la pureté par l’adultère. C’est-là l’empêchement dirimant que les Théologiens appellent, Impedimentum criminis. Au reste, pour qu’il ait lieu, les Théologiens demandent trois conditions. La première, que l’on sache que c’est un adultère que l’on commet, & que la personne avec qui on a le mauvais commerce est mariée. La seconde, que l’adultère soit complet. La troisième, qu’il intervienne promesse de se marier après la mort du mari ou de la femme de celui des coupables qui est marié. Selon les Loix de Moise, celui & celle qui avoient commis adultère, étoient punis de mort. Le Grand Constantin fit aussi une Loi qui les condamne au dernier supplice. Cette peine fut adoucie par l’Empereur Léon. Les Constitutions de Charlemagne, & de Louis le Debonnaire, leur infligent une peine capitale. Autrefois chez les Saxons on punissoit de mort l’adultère. Une femme qui en étoit convaincue étoit pendue & brûlée ; & dessus ses cendres on plantoit une potence, où l’on étrangloit le complice du crime. Quelquefois la femme qui avoit commis un adultère étoit condamnée à être fouettée par les Bourgs & les Villages, & dans chaque endroit les femmes exécutoient elles-mêmes la Sentence, pour


venger l’injure faite à leur sexe. Voyez la lettre de S. Boniface Archevêque de Mayence au Roi Athelbalde, & Opmer dans sa Chronologie, p. 345. En Angleterre par les Loix du Roi Edmond, on punissoit l’adultère comme l’homicide ; mais le Roi Canut ordonna qu’on envoyât en éxil les hommes qui l’auroient commis, & qu’on coupât le nez & les oreilles aux femmes qui en seroient coupables. Les Loix des Visigoths nous apprennent que chez ces Peuples, on amenoit à un mari, dont la femme avoit commis un adultère, la femme & le complice, & si le complice n’avoit point d’enfans, ses biens étoient confisqués au profit de celui de la femme duquel il avoit abusé. En Espagne on coupoit à ceux qui étoient coupables d’adultère les parties qui avoient été l’instrument de leur crime. En Arragon on condamnoit seulement à une amende pour crime d’adultère. Dimarus dit qu’en Pologne, avant que la Religion Chrétienne y fût établie, on punissoit l’adultère & la fornication d’une manière singulière. On amenoit au pont du marché le coupable, & là on l’attachoit avec un clou par la bourse des testicules ; on mettoit un rasoir près de lui, & on le laissoit dans la malheureuse nécessité de se faire justice lui-même, ou de mourir en cet état. Chez les Partes, les Lydiens, les Arabes, les Athéniens, ceux de Plaisance, & les Lombards, la mort a toujours été la punition de l’adultère : mais les Lacédémoniens au lieu de le punir, le permettoient, ou du moins le toléroient, au rapport de Plutarque. Chez les Egyptiens, après que l’homme qui en étoit convaincu avoit reçu mille coups de fouet, on coupoit le nez à la femme. En France, quoique le crime n’ait jamais été impuni, la diversité des Arrêts fait voir que la peine a toujours été arbitraire : on se règle sur la qualité des personnes, & sur l’éxigence des cas. On appelle un double adultère, celui que deux personnes mariées commettent ensemble. Enfant né d’un double adultère. Les Grecs, & même toutes les autres Sociétés Chretiennes du Levant, sont dans cette pratique, que l’adultère rompt le lien du mariage ; ensorte qu’en ce cas-là, & même en plusieurs autres, le mari peut épouser une autre femme. Ils s’appuient pour ce qui est de l’adultère, sur ces paroles de Jesus-Christ au Chap. 19. de S. Matthieu v. 9. Quiconque répudie sa femme hors le cas d’adultère, & en épouse une autre, devient adultère. Ce fut pour cette raison que les Ambassadeurs de Venise présentèrent une Requête, afin qu’on trouvât quelque tempérament au Canon qu’on étoit prêt de publier contre ceux qui disoient que l’adultère rompoit le mariage. Ce qui fit agir la République en cette occasion, c’est qu’elle avoit dans sa dépendance les Grecs de Candie, de Corfou, de Zante, & de quelques autres lieux ; & ces Grecs sont tous dans un usage conforme à celui que le Concile vouloit condamner. On donna dans le Concile satisfaction aux Ambassadeurs de Venise, parce que leurs raisons furent trouvées bonnes, comme le Cardinal Palavicin en demeure d’accord dans son Histoire du Concile de Trente. Il faut néanmoins avouer que les Grecs & les autres Chrétiens d’Orient rompent trop facilement leurs mariages, sous prétexte de se conformer en cela aux Loix Canoniques & Civiles.

C’est trop peu dire ; le sentiment qu’on vient de rapporter est absolument faux. Les paroles de S. Matthieu ne prouvent point que le mariage consommé puisse être dissous par l’adultère, elles prouvent même tout le contraire. En effet, ces paroles (Quiconque renvoyera sa femme, si ce n’est pour cause d’adultère, ou hors le cas d’adultère, & en épousera une autre, devient adultère,) prouvent seulement qu’en cas d’adultère la partie innocente peut se séparer de la partie coupable ; mais non pas qu’elle puisse se marier à une autre, & que le premier mariage soit dissous. La séparation n’emporte point cette dissolution, les paroles suivantes démontrent même le contraire ; car si le mariage est dissous, comment le mari innocent répudiant cette femme coupable la rend-il adultère, ou l’expose-t’il à l’adultère ? Bien plus, Jesus-Christ ajoûte : Et celui qui l’épousera après que son mari l’aura renvoyée, commet un adultère, ou devient adultère. Si le mariage est dissous, cette femme n’a plus de mari : comment donc celui qui l’épouse est-il adultère ? En un mot, il y a deux parties dans la proposition de Jesus-Christ. 1°, Renvoyer sa femme, ou la répudier. 2°, En épouser une autre. C’est après la première partie, & avant que d’avoir rien dit de la seconde, que Jesus-


Christ