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son style. M. Scud. Mais ces sortes de métaphores, qui sont fort bonnes en Grec, ne sont point tolérables dans notre langue, ou du moins ont besoin de quelqu’adoucissement. C’est avec cet adoucissement que Mlle Scuderi s’en est servie : elle ne dit pas crûment que Xénophon étoit l’abeille Athénienne, mais qu’il a été appelé la Muse & l’abeille Athénienne, à cause de la douceur de son style. Voilà trois adoucissemens. 1°. Il a été appelé, & non pas il étoit. 2°. La Muse & l’abeille Athénienne : ces deux mots servent à s’expliquer l’un l’autre. 3°. A cause de la douceur de son style. Cette raison approche encore la métaphore, & la rend plus intelligible. C’est à peu près de cette sorte qu’il faut se servir en François de la plûpart des métaphores, & il est bon de donner cet avis, sur-tout aux étrangers. Comme les sens figurés & les expressions métaphoriques frappent davantage l’esprit du Lecteur, que les expressions propres & simples, il arrive souvent que ceux qui étudient notre langue dans les bons Auteurs, remarquent avec attention ces sortes de mots, & en remplissent leurs recueils. Ils sont ensuite portés à croire qu’on peut s’en servir en toutes rencontres, parce qu’ils les ont remarqués dans un bon Auteur ; mais cela demande bien de la précaution, & un discernement que l’usage seul peut donner. Une expression métaphorique bien placée est d’un grand agrément ; mais elle ne vaut rien hors de sa place ; & sur-tout en François, il ne faut point s’en servir indifféremment, outre qu’on ne doit point transporter dans un style grave ce qu’un Auteur n’aura dit que dans un discours enjoué, ni détacher une expression hardie de tous les adoucissemens qui l’accompagnent. Cette remarque peut servir à toutes les pages de ce Dictionnaire.

ABEL. Abel, ou Abela. Petite ville des Ammonites, qu’Adrichomius met dans la Tribu de Gad, & Josephe dans la demi-Tribu de Manassé, au-delà du Jourdain, c’est-à-dire, dans le petit pays qu’on nomma depuis la Trachonite ; elle étoit à sept milles de Philadelphie. Les Septante l’appellent Εβιλχαρμίμ ; elle étoit dans un pays de vignes. Ce fut là que Jephté défit les Ammonites. Liv. des Jug. ch. XI. Son nom, qui est Hébreu אבל signifie pleureux, & non pas affliction, qui se dit en Hébreu Ebel. Jephté prit & ravagea vingt villes depuis Aroër jusqu’à Mennith, et jusqu’à Abel, qui est planté de vignes. Saci. M. Corneille dit aussi Abela.

ABEL, s. m. est aussi le nom du second fils d’Adam & d’Eve, qui fut tué par Caïn son frere aîné.

Josephe, dans son premier Livre des Antiquités Juives, ch. 3. dit que ce nom signifie affliction θλίψη, & l’Auteur d’un Dictionnaire imprimé depuis peu en notre langue en dit autant. Josephe ne savoit point l’Hébreu ; car s’il l’eût sçû, il est impossible qu’il n’eût pas fait attention que Abel s’écrit en Hébreu הבל, qui signifie une chose vaine, vanité ; & non pas נגע, qui signifieroit effectivement affliction, pleurs. Ce qui a trompé Josephe, & beaucoup d’autres avec lui, c’est qu’ils ont trouvé le nom d’Abel écrit avec un a ou un alpha, au commencement : ils se sont imaginé qu’il y avoit dans le Texte Hébreu un aleph, qui répondoit à cet a des Grecs & des Latins, & ils ont cherché la signification du nom d’Abel dans, qu’une légère connoissance de la langue Hébraique leur eût fait chercher ailleurs.

ABELIENS, ou ABELOÏTES, ABÉLONIENS. s. m. plur. Abeliani, Abeliotæ, Abelonii. Nom de paysans hérétiques qui habitoient un bourg proche d’Hippone. Le dernier de ces noms vient de celui qu’on leur donnoit en langue Punique ; les deux premiers sont ceux que S. Augustin leur donne en latin. Ces hérétiques se marioient ; mais ils vivoient avec leur femme dans la continence, & sans avoir de commerce ensemble. Ils adoptoient un jeune garçon & une jeune fille, à condition qu’ils se mariroient, mais qu’ils vivroient aussi en continence ; & ils ne manquoient point, dit S. Augustin, de trouver dans le voisinage des pauvres qui leur fournissoient leurs enfans pour qu’ils les adoptassent. Quelques Auteurs croient qu’ils se fondoient sur cet endroit de S. Paul, i. Cor. VII. 29. Que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient point. S. Augustin n’en dit rien. Un Auteur moderne, qui avoue que ce Pere est le seul qui ait parlé de cette Secte, dit que ces gens-là régloient le mariage sur le pied du Paradis terrestre, prétendant qu’il n’y eût entre Adam & Eve qu’une union de cœur. Ils se régloient aussi, poursuit-il, sur l’exemple d’A-


bel ; car ils prétendoient qu’Abel avoit été marié, mais qu’il étoit mort sans avoir jamais connu sa femme. C’étoit de lui que leur Secte avoit pris son nom… Voilà, dit-il, ce que saint Augustin nous en apprend. Il n’y a pas un mot de tout cela dans ce Pere. l. de Hæres. ad Quodvult. hær. 87. Il ne parle ni du Paradis, ni d’Adam & d’Eve, ni du mariage d’Abel, ni de sa continence. Il dit seulement, que quelques-uns de ces Sectaires tiroient leur nom d’Abel, fils d’Adam ; mais il ne le rapporte pas de son chef, ni comme son opinion. Hos nonnulli dicunt, &c. Il est cependant assez vraisemblable que c’est en effet là l’origine de ce nom, & qu’ils furent ainsi appelés, parce qu’ils n’avoient pas plus de postérité qu’Abel, à qui l’Ecriture n’en donne point, & qui par conséquent n’en eut point ; non pas qu’il eût vécu en continence dans le mariage, mais parce que vraisemblablement il fut tué avant que d’avoir été marié : on pourroit dire certainement, puisque l’Ecriture n’en dit rien, & que peut-être Caïn son aîné ne l’étoit point encore lui-même quand il le tua. Un autre Moderne dit, qu’il y avoit une fable répandue dans tout l’Orient, qui disoit, qu’après la mort d’Abel, Adam fut cent trente ans sans avoir de commerce avec Eve ; que c’est un sentiment des Docteurs Juifs ; que ce conte avoit eu cours, même parmi les Arabes ; que c’est pour cela, qu’au rapport de Gigejus תאבל thabala, en Arabe signifie s’abstenir de sa femme ; & qu’il est le plus trompé du monde, si cette opinion n’avoit point pénétré jusqu’en Afrique, & donné occasion à leur nom. Il est vrai que les Rabbins disent qu’Adam, touché de la mort d’Abel, fut long-temps sans user du mariage, & jusqu’à ce qu’il engendrât Seth. Si quelques-uns disent que ce temps fut de cent trente années, c’est une erreur manifeste, & contraire à leurs propres Chronologies, qui mettent la naissance de Seth à la cent trentième année du monde & de la vie d’Adam, comme on le peut voir dans les deux Seder Olam, & dans David Ganz. Car comment auroit-il eu Seth à sa cent trentième année, si Seth n’avoit été conçû que cent trente ans après la mort d’Abel ? Aussi Abarbanel dit, que ce fut cent trente ans depuis son péché. Car il croit, comme beaucoup d’autres Rabbins, que Caïn & Abel furent conçus immédiatement après le péché d’Adam. Mais soit que l’on prenne sa pénitence & sa continence depuis son péché, ou depuis la mort d’Abel, ce seroit la continence d’Adam, & non pas celle d’Abel, que ces hérétiques auroient imitée ; & si c’eût été de cette fable que leur nom leur fût venu, on les eût nommés Adamites ou Adamiens, plutôt qu’Abéliens. Le thabala des Arabes ne prouve point que ceux qui à l’exemple d’Adam n’usoient point du mariage, fussent nommés du nom d’Abel. Car 1°. ce thabala ne vient point du nom d’Abel, הבל ; s’il en venoit, il s’écriroit par un ה, & non par un א. Il ne faut point dire que ces lettres se changent aisément ; car les Arabes ne l’ont point fait. On peut voir tous nos Interprétes, aussi-bien qu’Eutychius, & Abulfaragius, qui écrivent tous le nom d’Abel par un ה, aussi-bien qu’en Hébreu. 2°. Thabala vient de abala, qui comme l’abal des Hébreux, signifie être en deuil, en affliction, & s’abstenir en général du plaisir à raison du deuil ; de sorte qu’il vient de l’abal des Hébreux, comme l’a très-bien remarqué Golius, & après lui Castel. Ainsi il est plus croyable que les hérétiques dont nous parlons, s’appelèrent Abéliens, parce qu’ils ne laissoient point de génération non plus qu’Abel. Cette hérésie fut toute renfermée dans un seul village, & ne dura point, comme S. Augustin le remarque. Est quædam hæresis rusticana in campo nostro, id est, Hipponensi, vel potius fuit. Paulatim enim diminuta in una exigua villa remanserat : in quaquidem paucissimi, sed omnes hoc fuerunt.

ABELISER. v. a. Vieux mot, qui veut dire, Charmer & ravir. Allicere, delinire. On disoit aussi Abelir.

 Si m’abélisoit & féoit.
Rom. de la Rose.

ABELLINAS. Abellina vallis, grande & belle vallée de Syrie, entre le Liban & l’Antiliban, dans laquelle est Damas.

ABELLION. s. m. Abellio. C’est le nom d’un ancien Dieu des Gaulois. On a trouvé vers Cominges, dans l’ancienne Novempopulanie trois inscriptions antiques qui font men-


tion