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jouer, de parler. Il faut s’abstenir de manger des choses défendues par la Loi. S’abstenir de certaines expressions. Peliss. On le dit quelquefois absolument. Il est plus aisé de s’abstenir que de se contenir.

Abstenir, se dit aussi en matière de récusation de Juges ; & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est-à-dire, de rapporter le proces, ou d’y opiner.

ABSTINENCE, s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient de certaines choses, en vertu d’un précepte moral, ou d’une institution cerémonielle. Abstinentia. C’est une espèce de la tempérance, & elle se confond quelquefois avec la sobriété. Le grand jeûne, dit S. Augustin, est l’abstinence des vices. Les Athlètes, pour se rendre plus robustes, vivoient dans une abstinence générale de tous les plaisirs. Dac. L’Eglise a enjoint aux Ecclésiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeûne, & d’abstinence. Il se dit aussi de la simple modération dans l’usage des alimens. On fait des abstinences par un pur régime de vivre, comme de vin, de salines, &c. La diète & l’abstinence sont nécessaires, pour rétablir l’estomac affoibli par la débauche.

Abstinence, signifie quelquefois une simple privation de manger de la chair. Abstinentia carnium. L’abstinence des viandes assaisonnée de dévotion, & accompagnée de la prière, est un des moyens les plus efficaces pour avancer notre sanctification. Boss. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de Saint Marc, & non pas le jeûne. Les Mercredis sont des jours d’abstinence, chez plusieurs Religieux. Les dévots font aussi des abstinences, & des macérations volontaires.

ABSTINENT, ente, adj. Tempérant à l’égard du boire & du manger. Sobrius. Les Peuples du Midi sont plus abstinens que ceux du Septentrion.

Abstinent, s. m. Nom qu’on donna à certains Hérétiques qui s’éleverent dans les Gaules & en Espagne au 3e. siècle, pendant la persécution de Dioclétien & de Maximien, parce qu’ils blâmoient le mariage. Les Abstinens étoient les mêmes que les Hiéraclites, selon Baronius ; & selon d’autres c’étoient des Encratites, nom Grec qui signifie la même chose à peu-près qu’Abstinent. Quoi qu’il en soit, tout le monde convient que les Abstinens étoient une branche des Gnostiques & des Manichéens. Ils faisoient aussi profession de ne point manger de viande, comme étant de soi mauvaise, & ayant été créée par Satan. Voyez Philastrius hær. 83. Ces Hérétiques furent nommés Abstinens, à cause qu’ils s’abstenoient de l’usage du vin & de plusieurs viandes. God.

ABSTERGER, v. Act. Abstergere. Ce mot vient du Latin. Terme de Médecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une plaie, ou ulcère, c’est la nettoyer d’une quantité de pus. Cela se fait par le moyen des amers, comme l’aloës, la myrrhe, & les herbes vulnéraires, qui absorbent un acide lequel ronge les fibres, & tuent de petits vers qui se forment dans les ulcères, & les rendent difficiles à se sécher.

ABSTERSIF, ive, adj. Qui purge & nettoie. Smegmaticus, smecticus. Médicament, purgation abstersive. Smegma.

ABSTRACT, acte. Terme de Philosophie. Il est un peu barbare en François. Ce qu’on détache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par lui-même. Species abstracta per mentem. La quantité est un terme abstract, quand on la considère en elle-même, & sans être attachée à un corps, quoiqu’elle ne puisse subsister naturellement sans lui, ni lui sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considère détachée d’un sujet. De la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

ABSTRACTION, s. f. C’est une action de l’esprit, par laquelle on considère quelque partie d’un tout, sans faire attention aux autres : ou un détachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un Être, pour le considérer mieux en lui-même. L’abstraction est l’action ou l’éxercice d’une faculté, ou puissance propre & particulière à l’esprit de l’homme, & qui distingue entièrement & essentiellement son ame de celle des bêtes ; faculté qui consiste en ce que l’homme peut, en élevant ses idées au-dessus des Êtres particuliers, en faire des représentations générales du tout de la même espèce, auquel tous les Philosophes donnent le nom d’universel.


Actio animi speciem aliquam abstrahentis. On considère par abstraction, lorsque dans un mobile on considère le mouvement, sans faire attention au corps mû. Si mon œil me représente de la blancheur sur une muraille, je puis par abstraction considérer cette qualité de blancheur en elle-même, & en faire un attribut général de plusieurs autres choses différentes, comme de la neige, du lait, &c. Cette qualité, quelle qu’elle soit, considérée ainsi à part & sans le concret, ou le sujet auquel elle est inhérente, est une qualité considérée par abstraction. Harris. Ce sont les Mathématiciens qui, qui considérant la quantité sans matière, supposent dans leur empire d’abstraction des indivisibles sans parties : mais il n’est pas permis aux Physiciens de faire ces sortes d’abstractions, ni de sortir des bornes de la matière. Bern. La Métaphysique considère aussi les Êtres par abstraction, & c’est proprement son objet. En Arithmétique nombres abstracts sont ceux que l’on considère précisément comme nombre, sans les appliquer à aucun sujet. Harris. En terme de Mathématique, la Mathématique abstraite est opposée à la Mathématique mixte ; le premier terme signifiant purement la Géométrie & l’Algèbre ; & le second l’Optique, la Gnomonique, la Navigation, & les autres parties, dans lesquelles la Physique est jointe à la Mathématique. Id. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut préoccuper, ou pour, ou contre lui. Rien n’est plus digne de compassion que ces Fanatiques, qui se font une piété à leur mode, & qui, sous le prétexte d’être tous spirituels, trouvent le secret de faire des abstractions, & des séparations, qui n’ont jamais été imaginées, que de ceux qui ont renoncé à la vie de l’esprit, pour s’abandonner à celle des sens. Abbé de la Trape.

☞ On dit qu’un homme est dans des abstractions continuelles, pour dire, qu’il rêve continuellement, qu’il est appliqué à toute autre chose qu’à celle dont on parle, ou qu’il a sous les yeux.

ABSTRAIRE. v. act. faire une abstraction, un détachement de toutes les qualités d’une chose, pour ne considérer que son essence.. Abstrahere. J’abstrais, tu abstrais, il abstrait ; nous abstrayons, vous abstrayez, ils abstraient. Quand on raisonne en Algèbre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matières & de sujets. Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités, comme l’imparfait, le prétérit indéfini, &c.

ABSTRAIT, aite, part. & adj. se dit figurément en Morale d’un esprit qui ne s’applique à rien, qui n’entre point dans la conversation ; qui se sépare & s’éloigne des choses sensibles par le moyen de l’esprit : d’un homme qui détache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne s’attacher qu’à la contemplation de celui qu’il a dans la pensée. Abstractus. Cet homme est abstrait, dédaigneux, & semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas. La Bruy. On dit qu’Un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celui qui lui parle, parce qu’il songe à autre chose.

On dit encore des raisonnemens abstraits, pour exprimer qu’ils sont trop subtils. Argumenta tenui filo diducta. Ces idées sont abstraites, & ne tombent point sous l’imagination. Malb. C’est une Philosophie abstraite & chimérique. Port-R. pour dire, une Philosophie trop dégagée des choses sensibles, trop métaphysique & trop difficile à pénétrer. On ne doit pas confondre la définition d’une idée abstraite & arbitraire, avec la définition des choses qui éxistent réellement. Le Cl. Il est aussi subst. La rondeur est un abstrait, & le rond est un concret.

ABSTRUS, use. adj. qui est caché & inconnu au commun du monde, qui demande une extrême application pour être entendu. Abstrusus. L’Algèbre, les Sections Coniques, sont des Sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent pénétrer.

ABSURDE, adj. masc. & fém. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Absurdus. Proposition absurde. Quand on suppose une chose absurde, on en tire mille conséquences absurdes. Il prouve une chose absurde, par une chose plus absurde.

ABSURDEMENT. adv. d’une manière absurde. Absurdè. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

ABSURDITÉ, s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Absurdè dictum aut factum. Il s’ensuivroit de grandes absur-


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