Page:Trevoux - Dictionnaire, 1743, T01, A.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
64
ABY ABY


D’autres plus vrai-semblablement veulent qu’Abyla Ville, soit Ceuta, Septa, Evêché dépendant de l’Archevêque d’Evora, & que la Montagne de même nom, soit une haute Montagne proche de Ceuta, que nos François appellent le mont des Singes, & les Hollandois Scheminckellerg.

Abyla est aussi le nom d’une Ville de la Cœlésyrie, qui donnoit son nom à une petite Contrée dont elle étoit Capitale. Cette Ville s’appelloit aussi Abyla de Lysanias. La contrée d’Abyla étoit enfermée de l’Antiliban au couchant & au midi, du fleuve Abana du côté de l’Orient, & elle avoit au Nord la Chalcide. Il en est parlé en S. Luc C. 3. v. 1. où il est dit que Lysanias étoit Tétrarque de la Contrée d’Abyla, ainsi qu’a traduit le P. Bouhours. Monsieur Simon a mis le Pays d’Abyla. Le Port-Royal a mis Abylène.

ABYME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abysmes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc.

Le ciel suspend ses coups ; la terre, les enfers,
N’offrent point à mes pas leurs abysmes ouverts.

Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose, & qui est formé de l’α privatif, & de δυω, entrer, pénétrer, en changeant le δ en β ; ou plutôt de βύω, βώσω, βιβυϰα, βέβυσμαι, βέβυσαι, d’où est venu βυσος. De sorte qu’ἄβυσσος signifie ce que l’on ne peut pénétrer, ce qui n’a point de fond. Dans l’Ecriture il se prend pour les eaux que Dieu créa au commencement avec la terre, & qui l’environnoient de toutes parts, dont il est dit, Gen. i. 2. Les ténebres étoient sur la surface de l’abyme. Il se prend encore pour les cavernes immenses de la terre, où Dieu rassembla toutes ces eaux le troisième jour, & que Moyse appelle le grand abyme. Gen. vii. 11. C’est encore en ce sens que ce mot est pris en beaucoup d’autres endroits, comme Job. xviii. 14. xxxviii. 16. Psalm. xxxiii. 7. &c. Le Docteur Woodward, savant Anglois, dans son Histoire naturelle de la terre, prétend qu’une partie des eaux est enfermée dans les entrailles de la terre, & qu’elles forment un grand globe dans son centre ; que sur la surface de ses eaux est étendue une couche de la terre ; que c’est là ce que Moyse a appelé le grand abyme. Et il prouve ce système par un grand nombre d’observations. Il dit que ces eaux de l’abyme, ont communication avec celles de l’Océan, par des canaux qui aboutissent au fond de la mer. Il suppose que ces eaux de l’abyme, & celles de l’Océan, ont un centre commun, autour duquel elles sont placées ; que cependant la surface de l’abyme n’est point de niveau avec celle de l’Océan, ni en égale distance de leur centre commun, parce que celles de l’abyme sont la plûpart pressées par la terre, qui les arrête & qui pese dessus ; mais que partout où cette couche de terre qui les enveloppe, est percée, ou poreuse, ces eaux y pénétrent, y montent & remplissent toutes ces fentes, qui leur donnent issue, tous les vides, tous les pores de la terre, de la pierre, & de toutes les autres matières qui sont autour du globe de la terre, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées au niveau de l’Océan.

Abyme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abyme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abymes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abyme du néant. Ablanc. Le passé est un abyme qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abyme impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, Un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abyme de malheurs. Cet homme est un abyme de science. Le cœur d’un avare est un abyme que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abysme de misère où le péché nous a plongés. Port-Royal. On dit aussi, C’est un abyme de maux, de souffrances, de malheurs.

Abysme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abyme.

Abyme, se dit aussi des choses qui demandent, & qui consument des sommes excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la


Marine, c’est un abyme. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abyme, On dit en proverbe, qu’un abyme attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abyme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, en sorte que la pièce qu’on y mot ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abyme. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abyme, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abysmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abyme. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abysmée.

Abyme, est aussi un Vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mèche.

ABYSMER. v. act. Jetter dans un abyme, y tomber, se perdre, se noyer, Mergere, demergere. Les ouragans abyment les vaisseaux. Ce terrein s’est abymé, il y avoit dessous une carrière. Subsidere, sidere. Il est quelquefois neutre. Cette ville abymera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abyme. Hauriri, absorberi.

Abymer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abysmé ce marchand. Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronoim personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abysme dans les plaisirs. Acad. Fr. c’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abysmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abysme, parce qu’il s’applique profondément à la contemplation, soit dans la prière, soit dans l’étude. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abysmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abysmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abysmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation, de biens, &c.

Abysmé, ée, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abymées par les tremblements de terre. Un joueur, un marchand, un plaideur ; en général, un homme abymé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

ABYSSIN, ou plutôt Abassin ou Hhabassin, comme prononcent les Arabes, qui appellent un Abyssin חבש, Hhabasch, ou חבשי, Hhabaschi, & le pays qu’ils habitent חבשת, Hhabaschath. Ainsi ce nom ne vient point de la côte d’Aben, qui est la côte occidentale de la mer Rouge, le long de laquelle ils habitent ; ou si c’est le même nom, ce sont ces peuples qui ont donné ce nom à cette côte, au lieu de l’avoir pris d’elle.

Les principaux auteurs sur les Abyssins sont Jean de Léon & Marmol, Description de l’Afrique. Franc. Alvarez, Balthasar Tellez, d’Alméida Jésuit. Hist. de la haute-Eth. Ludolf. L’Hist. de la Comp. de Jes. T. i. L. 15. T. ii. L. 1. T. iv. L. 5. T. v. L. 22. Louis de Urreta Dominicain, Hist. de l’Ethiopie en Espagnol. Marmol. L. XC. 23. Juan. Nicol. Pechlin a fait un Livre De habitu & colore Æthiopum, imprimé à Francfort en 1684. Le P. Urreta, Dominicain, rapporte d’autres étymologies dans son Histoire d’Ethiopie, p. 3. Strabon dit, L. xvii. qu’Abassie signifie en Egyptien, un pays inhabitable entouré de déserts & de montagnes impraticables, de l’α privatif, & de βάτος, qui vient de βαίνω, je vais, comme qui diroit, un pays où l’on ne peut aller ni pénétrer. D’autres disent qu’Abassie signifie une terre puissante, abondante en hommes, en fruits de la terre, en mines & en richesses. Mais cet auteur rejette avec raison ces opinions, & s’en tient à celle que nous avons rapportée d’abord. Ce sont les peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’hui nommée Abassie. Ce sont les Arabes qui leur


ont