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des inégalités qui blessent, & qui écorchent les corps auxquels elles s’appliquent. Les Médecins distinguent deux sortes de saveurs acres ; l’une qui procède du chaud & du sec, comme dans le poivre : l’autre du chaud & de l’humide, comme dans l’ail.

Âcre, s’emploie quelquefois figurément en parlant d’un homme dont les manières sont rudes & choquantes ; qui est aigre & mordicant dans ses expressions. Asper, acerbus.

Acre. s. m. La première syllabe est brève. Mesure de terre en usage particulièrement en Normandie, qui contient 160 perches. Acra. L’acre du bois est de 4 vergées, la vergée de 40 perches, la perche de 24 pieds, le pied de 24 pouces, le pouce de 12 lignes:mais tout cela differe selon les lieux. Voyez l’Ecole des Arpenteurs. C’est un Livre in-12. imprimé par les soins de M. de la Hire.

Dans un registre de la Chambre des Comptes il est dit que l’acre contient 4 vergées, dont il en faut deux pour l’arpent; qu’une vergée contient 40 perches de terre, & chaque perche contient 24 semelles de pied. Chez les Anglois un acre contient quatre roods carrés, ou 160 perches carrées, ou 4840 verges carrées, qui font 43 560 pieds carrés. Harris.

Ce mot, selon Spelmannus, vient du Saxon acher, qui signifie ager, ou champ. Les Bollandistes sont de même sentiment. Act. Sanct. Jun. T. IV. p. 574. Fév. Saumaise tient qu’il vient du mot acra, qui a été dit pour akena, qui, selon Héron, étoit une mesure de terre des anciens de dix pieds.

Acre, ou S. Jean d’Acre. Aca, Ace, Accon, Ptolemaïs. Ville de Syrie, sur les confins de la Phénicie & de la Palestine, sur un petit golfe de la Méditerranée, où elle a un assez bon port. L’Empereur Claude y envoya une Colonie ; c’est pour cela qu’elle fut nommée Colonie de Claude. Colonia Claudia. Sa situation avantageuse la rendit célébre sous le regne des Princes croisés. Baudouin la prit sur les Sarrasins en 1101. Saladin la reprit sur les Chrétiens. Philippe Auguste & Richard I, Roi d’Angleterre, la reprirent en 1191. Tant de Princes eurent part à cette conquête, qu’elle fut divisée entre eux en dix-neuf quartiers, ce qui causa bien des dissentions. Enfin, elle retomba au pouvoir des Sarrasins, qui la ruinerent entièrement, de sorte qu’elle ne s’en est point relevée. On prétend que ce nom est une corruption de celui que lui donna Hercule ; c’est-à-dire, d’Ace, ou Acon. Ptolomée Philadelphe dans la suite la fit appeler Ptolémaïde.

Et tout ce qu’a Sidon de brave & de galant,
Tout ce qu’Acre a de noble avec eux s’enrollant,
Est venu prendre part sous Alphonse à la gloire
D’aller où vos drapeaux conduiront la victoire.

P. Le Moine.

ÂCRETÉ. s. f. Qualité de ce qui est âcre, qui pique la langue. Acrimonia. Quand les arbres sont greffés, les fruits qu’ils portent perdent beaucoup de leur âcreté. Les fruits que produisent les terres fortes & un peu grasses, sont plus long-temps à perdre la dureté, l’âcreté & l’insipidité ; défauts dont deux ou trois mois de serre achevent de les guérir. La Quint.

ACRIDOPHAGE. s. m. & f. Acridophagus. Ce nom vient du Grec ἀϰρὶς Sauterelle, & φάγω, je mange ; & signifie, qui vit de sauterelles. C’est le nom d’un peuple d’Ethiopie, voisin des déserts. Au printemps les Acridophages font provision d’une espèce de grosses sauterelles, qu’ils salent pour toute l’année, n’ayant point d’autre nourriture, parce qu’ils sont éloignés de la mer, & qu’ils ne nourrissent point de bétail. Les Acridophages, dit on, ne passent guère quarante ans, & meurent consumés d’une vermine ailée qui s’engendre de leur corps. Voyez S. Jérôme contre Jovinien, L. 2. & sur S. Jean, C. 4. Diodore de Sicile, L. 3. C. 3 & 29, & Strabon, L. 16. Pline met aussi des Acridophages dans la Parthie, & S. Jérôme dans la Lybie. Quand ce qu’on dit d’ailleurs de ces peuples seroit fabuleux, l’acridophagie pourroit être vraie ; & encore aujourd’hui on mange des sauterelles en bien des endroits de l’Orient.

Tout cela rend plus probable, & presque certain, le sentiment de ceux qui croient que ce sont des sauterelles dont S. Jean vivoit dans le désert, & que c’est-là ce qu’il faut entendre par ἀϰρίδες, en S. Matth. C. 3, v. 4. Au Levit. C. xi. v. 22, un des animaux qu’il est permis de manger aux Israélites, est appelé par les Septante ἀϰρίδα, & par S. Jérô-


me locusta. Il s’agit là d’animaux, & les Septante n’ont assurément pû entendre par ἀϰρίδα une espèce de légume, ou la pointe des branches des arbres. Et c’étoit sans doute une pénitence bien austère, que de ne manger, comme le S. Précurseur, que des sauterelles & du miel sauvage. Licophron, ancien Poëte, & Aristophane, parlent des sauterelles comme de la nourriture la plus vile, & Théophilacte en parle comme de celle des paysans. Enfin, Ælien, de Hist. Animal. dit que l’on mangeoit des cigales, qui sont une espèce de Sauterelles. On ajoute encore, que ἀϰρίδες ne sont pas les pointes des branches tendres des arbres, c’est ἀϰρόδρυα. C’est ainsi que S. Epiphane les appelle. Il faut cependant convenir qu’Isidore de Péluse, qui écrivoit proche de la Palestine, parlant dans sa 132e Lettre de cette nourriture de S. Jean, dit que ce ne sont point des animaux ; & qu’il taxe même d’ignorance ceux qui le disent, ὀυ ζῶὰ ἐστιν, ὥς τινες ὄιονται ἀμαθῶς ; mais que ce sont les pointes des herbes & des plantes. Mais il s’est trompé ; ce que nous avons dit ne laisse aucun lieu d’en douter, & S. Augustin, Béde, & beaucoup d’autres, sont du sentiment contraire. Ainsi c’est avec raison que les Jésuites d’Anvers rejettent avec mépris le sentiment des Ebionites, qui, au lieu d’ἀϰαρίδες, mettoient ἐγχρίδες, qui signifie une espèce de mets délicat fait avec de l’huile & du miel ; celui de quelques Novateurs qui veulent qu’on lise ἀϰραδες, ou χαριδες, des cancres marins ; & celui de Béze, qui lit ἄϰρος, des poires sauvages. Ludolf croit aussi que ce sont des sauterelles que mangeoit S. Jean, Hist. d’Ethiop. T. II. p. 24.

ACRIMONIE. s. f. Aigreur piquante. Les sels ont beaucoup d’acrimonie. L’acrimonie de la bile est cause de beaucoup de maladies. Modérer l’acrimonie, ou l’âcreté des humeurs.

ACRO. Ce mot qui est Grec, & vient d’ἄϰρος, haut, ce qui est au haut, au sommet d’une montagne, quand il est joint au nom d’une ville ; signifie souvent la citadelle de cette ville ; parce que les citadelles se construisent sur les lieux élevés qui commandent les villes. Ainsi Acrocorinthe est la citadelle de Corinthe ; Acropolis, la citadelle d’Athènes, qu’on nommoit en Grèce du nom général πόλις, ville par excellence, comme Rome étoit appelée Urbs. Acrocorinthe est représentée sur quelques Médailles qui peuvent donner du jour à ce que nous venons de dire. Une Médaille d’Auguste porte d’un côté la tête de cet Empereur couronné de laurier. Imp. Cæsar Augustus. Au revers. Octaviano iter iivir. Un rocher ou montagne escarpée de laquelle le haut est occupé d’un temple, ou d’un bâtiment, dont il ne paroît que le frontispice qui est à six colonnes, trois de chaque côté, & dans l’exergue. Cor. c’est-à dire, Corinthus.

ACROCERAUNES. Acroceraunia, Acroceronii montes. Selon Servius, c’est le nom de plusieurs montagnes de différens pays, ainsi appelées de ἄϰρον, le sommet d’une montagne, & ϰεραυνὸς, foudre, parce que les hautes montagnes sont souvent frappées de la foudre. Il y en a dans l’Epire qui donnent aussi leur nom à un Promontoire qui s’avance dans la Mer Adriatique. Acroceraunium. Le Cap Acrocéraunien, aujourd’hui Capo della Chimera, ou della Languetta.

ACROCÉRAUNIE. Acroceraunia. Ville épiscopale de l’Epire, au pied des monts Acrocérauniens, aujourd’hui appelée Chimère, nom qui vient d’un château nommé Chimère, que Pline dit avoir été sur le sommet de ces montagnes.

ACROCÉRAUNIEN, enne. s. m. Acroceraunius. Ptolomée appelle ainsi les Habitans des montagnes de l’Epire dont on vient de parler, Peuple agreste & barbare, qu’on nomme aujourd’hui Chimériots, du nom de ces mêmes montagnes, qui sont appellées montagnes de la Chimère, ou plutôt du nom de la Ville dont on vient aussi de parler. Le Cap Acrocéraunien. T. Corn. Les monts Acrocérauniens sont des bras du Pinde que quelques-uns disent être appellés Monts du Diable. id. Je ne sçais pas quelle délicatesse M. Dacier n’a pas voulu se servir de ce mot dans sa Traduction d’Horace. Il l’a cependant mis à la marge ; & dans ses Notes il ôte la première partie du nom, & les appelle Monts Cérau-

Acrocérauniens. s. m. & pl. Est aussi le nom des montagnes de l’Epire dont on vient de parler. Il paroît même que c’est ainsi qu’il faut dire, & non pas Acrocéraunes, que je


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