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1019 BAR

Tous ceux qui laissent mourir de faim ceux qu’ils doivent nourrir, sont homicides.
Tous les riches qui ne donnent pas l’aumône laissent mourir de faim ceux qu’ils doivent nourrir.
Donc tous les riches qui ne donnent pas l’aumône sont bomicides.

C’est l’argument de S. Jean Chrisostome contre les riches, Non pavisti, occidisti. Le syllogisme en barbara est le premier des quatre directs de la première figure : barbara est le premier mode direct de la première figure.

BARBARE, adj. & s. m. & f. Etranger qui est d’un pays fort éloigné, sauvage, mal poli, cruel, & qui a des mœurs fort différentes des nôtres. Barbarus. Rome a été plusieurs fois pillée par les Barbares. On n’est plus si sujet aux intrusions des Barbares. Les Sauvages de l’Amérique sont fort barbares. Arioviste étoit un barbare furieux & téméraire. ABLANC.

Est-il chez les humains un peuple si barbare,
Qui n’estime le prix d’une amitié si rare ? VILL.

Les Grecs appelloient Barbares tous ceux qui n’étoient pas de leur pays ; & ce mot ne signifie en leur langue qu’étranger. Peregrinus. Il en étoit à-peu-près de même des Romains. Ils appeloient Barbares généralement tous les peuples, hormis les Grecs, & ceux qui vivoient selon leurs loix ; & ce n’étoit point parmi eux un terme de mépris, comme parmi nous. Ils donnaient des ôtages à des Barbares dans l’état le plus florissant de la République. ABLANC. Les Bourguignons & les Francs qui s’établirent dans les Gaules, etoienr appellés barbares. Les Gots d’Italie, furent aussi appellés barbares. Il semble que ce mot ne vouloit dire qu’étranger, & que depuis longtemps on lui eût attaché cette signification ; car Ovide qui étoit si poli à Rome, avoue qu’il étoit barbare parmi les Getes.

Barbarus hîc ego sum, quia non intelligor ulli,
Et rident stolidi verba Latina Geta.

Nos Gaulois qui étoient soumis aux Romains, appelloient barbares les nations Germaniques qui habitoient au-delà du Rhin. On appeloit dans les Gaules la langue Teutone, langue barbare. Enfin, les ennemis de l’État, & ceux qui n’étoient pas Catholiques, étoient appellés barbares. Ce que l’on appelloit barbares dans les Gaules, sous les Empereurs Romains, n’étoit point les Gaulois originaires du pays ; mais des peuples de Germanie que les Empereurs y avoient fait passer pour cultiver les terres. Chifflet, Gloss. Sal. au mot Barbarus. De Hauteserte, dans ses notes sur Gregoire de Tours, p. 99 a remarqué que cet Auteur prend souvent barbare pour payen.

BARBARE, signifie aussi souvent, Cruel, impitoyable, qui n’écoute point la pitié, ni la raison. Crudelis, sævus, immanis. Un père est barbare, quand il n’a point de tendresse pour ses enfans. Un Prince barbare, qui tyrannise ses sujets. Médée faisoit des actions barbares. La coutume d’immoler des hommes, étoit bien barbare. Les Septentrionaux sont les plus barbares de tous les peuples.

Que je plains le sort des avares,
A qui l’avide soif des biens
Fournit pour s’enrichir mille nouveaux moyens,
Toujours injustes & barbares ! L’ABBÉ TETU.

On appelle souvent barbares les Idolatres, les Infidèles, les Mahométans, comme les Tartares, les Turcs, &c.

BARBARE, se prend aussi quelquefois simplement pour malpoli, grossier, ignorant. Impolitus, incultus, agrestis. Cet homme a quelque chose de bien sauvage & de bien barbare dans toutes ses manières. Souvent le plus barbare est sujet à l’amour. THÉOPH.

BARBARE, en termes de Grammaire, se dit du langage, ou des termes impropres, ou inconnus, qui sont durs à l’oreille ou difficiles à entendre.

D’un seul nom quelquefois le son dur, ou bizarre,
Rend un poème entier ou burlesque, ou barbare. BOIL.

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Ce mot βαρϐαρος, selon Strabon, est dit par imitation. Les étrangers, quand ils venoient en Grèce, ἐβαρβάριζον, id est balbutiebant, ils bégayoient, parloient grossièrement. Cependant on peut dire qu’ils appeloient barbares, ceux dont ils n’entendoient pas le langage, tels qu’étoient les Persans, les Scythes, les Egyptiens. Scaliger tient que ce mot de barbare vient de l’Arabe bar, qui signifie désert. Barbare, selon son sentiment, est un Sauvage, un homme vivant dans les solitudes. Ravanelle dérive, comme les autres, le mot barbare du Grec βαρϐαρος, d’où l’on a fait barbarus ; mais il ajoûte que βαρϐαρος vient de l’Arabe barbar, auquel on a ajoûté la terminaison Grecque ; barbar signifie bruit, & désert. Mais Ravanelle se trompe, on ne dit point barbar en Arabe pour signifier désert, mais seulement bar. D’autres prétendent, comme Picard dans sa Celtopédie, qu’il vient de βαρϐαρ-, mot qui ne signifie rien, & que certains étrangers venus à Athènes avoient sans cesse à la bouche ; ce qui fit qu’on les appella βαρϐαροι, Barbares. Vossius, L. 1. De vitiis Sermonis, Cap. 1. croit que ce mot vient de כרא, adverbe Chaldéen, qui signifie, extra, foris, hors ; & qui se trouve dans le Thalmud pour le כר des Hébreux. Ainsi un Barbare, dans sa signification primitive, est selon Vossius, un homme de dehors, qui est hors du pays de ceux qui l’appellent ainsi ; en un mot, un étranger ; & Scaliger, au commencement de sa LI. Exercitation, montre que כרכרי, barbari, est un mot venu d’Orient, qui signifie étranger. Le Concile de Chalcedoine, Can. 28. appelle les Evêques qui sont hors des terres de l’Empire Romain Ἐπισκόποι ἐν βαρβαρικοῖς, comme s’il disoit, qui sont dans les pays étrangers. Et le 52. des Canons de l’Église d’Afrique oppose la Mauritanie, Province de l’Empire, et τοῖς βαρβαρικοῖς, au pays d’Afrique qui n’en étoit pas, & qu’il appelle pour cela Barbarique, c’est-à-dire, hors de l’Empire, étranger à l’Empire.

BARBARE, RESQUE, s. m . & f. Barbarus, a. Nom de peuple : Qui habite la Barbarie, pays d’Afrique le long des côtes Septentrionales, ou de la Méditerranée, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’en Egypte. Les Barbares de la campagne sont laborieux, doux, libéraux. Ceux des villes sont fiers, avares, vindicatifs, & de mauvaise foi. Les Barbaresques, tant les femmes que les filles, sont toujours couvertes d’un voile devant les hommes.

BARBARE. Monnoie. Barbarus. Voyez BARBARIN. BARBAREMENT, adv. D’une manière barbare, ou cruelle. Barbarè. On a traité ce misérable trop barbarement. Le peuple de cette contrée parle barbarement.

BARBARICAIRE, & dans la suite par corruption BRAMBARICAIRE, s. m. Barbaricarius, Brambaricarius. Ce nom a deux sens. I°. Il signifie Brodeur, ou bien un Ouvrier qui fait des figures d’hommes, d’animaux, &c. avec du fil d’or & des soies de différentes couleurs ; comme nos brodeurs, ou nos tapissiers de haute lice. 2o. Les Barbaricaires étoient des Soldats ou Officiers qui portoient des casques, & des visières ornées d’or & d’argent. Voyez Pancirole. Notitia Dignit. Imp. Occid. Cap. 39. & 72. Bulenger de Imp. Rom. VI. 67.

BARBARICIN, INE, s. m. & f. Barbaricinus. Les Barbaricins sont les peuples qui habitent les montagnes des Sardaigne, principalement dans la Province de Cagliari. S. Gregoire le Grand, Liv. III. ép. 14. & Procope, Liv. II de la guerre des Vandales, ch. 13. parlent des Barbaricins. Ce sont originairement des Maures d’Afrique, que les Vandales, après qu’ils eurent fait la conquête d’Afrique, transportèrent en Sardaigne avec leurs femmes & leurs enfans, afin qu’ils ne les troublassent point. S. Grégoire leur envoya l’Evêque Cyriaque pour les convertir. C’est apparemment de ces Barbaricins que Dante a voulu parler dans son Purgat. Chant 23. quand il dit la Barbagia di Sardina, la Barbarie de Sardaigne. S. Grégoire en 594. travailla à la conversion des Barbaricins.

BARBARIE, s. f. Cruauté, action faite contre la raison, l’humanité. Crudelitas, sævitia, ferocitas. Les Tyrans ont persecuté les Chrétiens avec une grande barbarie.

BARBARIE, signifie aussi, Ignorance, grossièreté. Barbaria. La Grèce où regnoit autrefois la science & la politesse, est présentement plongée dans une affreuse barbarie. La France a été longtemps un pays de barbarie. Et en ce sens il se dit tant des mœurs que du langage.

BARBARIE, en termes de mer se dit des choses & marchandises