Page:Trigault - Lettre du R P Trigaut escrite a ceux de la mesme Compagnie, 1609.djvu/81

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Citadelle de tous coſtez, poſans tout autour quatorze corps de garde, battant la muraille auec 25. pieces d’artillerie. Sur ces entrefaictes du ſiege, vn marchand Portugais arriue des Moluques à Malaca, auec vne poignée de ſoldats, qui ne pouuant entrer dans la Citadelle du coſté de la mer, s’en va du coſté de la terre, & y entre luy vingtcinquieſme, les autres de ſes gens moururent, qui de trauail, qui de faim, qui de ſoif, parmy les bois. Cepẽdãt l’ennemy s’approche auec ſes rẽpars ou leuées de terre telles que l’on fait en Europe, & de ſi pres, qu’ils ſe battoiẽt plus à coups de pierres, qu’à coups d’artillerie. Mais le plus faſcheux & difficile combat des aſſiegés eſtoit cõtre la faim, qui s’eſtoit faicte ſentir par tout le païs ceſte année là, & redoubloit de telle façon ſes coups pendant le ſiege, qu’autant de ris qu’il faut pour la vie d’vn homme en vn iour, le vẽdoit vn eſcu, ſur la fin on n’en trouuoit ny pour or ny pour argent. Au moyen dequoy le Gouuerneur permettoit aux ſoldats de faire des ſorties ſur les ennemis, afin que pendant qu’ils combatroient, les plus neceſſiteux coupaſſent des herbes pour en viure. Car deſia les chiens, les rats, les chats, les hiboux & les corbeaux, eſtoient deſpeſchez,