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yeux et qu’une rage de douleurs les fait parfois lamentablement rire ;

Au nom de ces victimes innocentes dont trafique l’immoralité d’un mariage mercantile, et qui, vêtues de blanc et parées de fleurs comme les victimes antiques, sont conduites à l’autel pour qu’un célibataire forcé donne sa bénédiction ironique à leur supplice, car un honorable père et une mère soi-disant vertueuse les ont condamnées pour un peu d’or à la torture qu’inventa Mézence, aux embrassements d’un cadavre ;

Au nom des pères et des mères dont le Moloch social dévore les enfants, au nom des hommes qu’on mutile et qu’on empoisonne, au nom des femmes dont on mange le cœur et qui n’osent se plaindre, au nom des enfants qu’on broie et dont on aplatit le crâne afin qu’ils n’aient ni cœur ni pensée…

J’ai crié, j’ai pleuré, et vous avez ri ! Je me suis tue, je me suis traînée à vos pieds et vous m’avez mis le pied sur la tête ! Que suis-je, moi ! qu’importe ce qui m’arrive ? N’ai-je pas donné ma vie pour ce peuple ? C’est bien : flétrissez-moi, emprisonnez-moi, calomniez-moi, poussez plus loin l’outrage, jetez-moi un peu de pain sous la table. C’est bien ! j’accepte tout, excepté votre pain. Tout cela est pour moi, mais le peuple que