Page:Tristan - L’émancipation de la femme, 1846.pdf/18

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bien gourmand et que des drôles pareils sont bien hardis de prétendre qu’ils veulent manger !

Est ce que la terre et tout ce qu’elle produit n’est pas à vous ? est-ce que vous n’en êtes pas les légitimes propriétaires ? est-ce que vous n’êtes pas tes maîtres de gaspiller vos restes quand vous êtes repus, et de partager votre luxe avec vos chiens plutôt que de vous occuper du nécessaire des pauvres ?

Qu’ils aillent au bureau de charité, les pauvres ! au dépôt de mendicité, les mendiants ! au diable tous, s’ils veulent ! Quant à nous, buvons, mangeons et prostituons ! nous avons de l’argent.

Oui, buvez : c’est le sang du peuple ! oui, mangez : c’est la chair du peuple ! oui, prostituez : ce sont les entrailles du peuple ! Et quand vous vous endormirez repus et blasés, il se réveillera, lui, affamé et terrible.

Et quand vous aurez fini, il commencera !

Oui, buvez, mais prenez garde ! car vous avez aussi du sang dans les veines !

Mangez, mais ayez peur ! car votre chair s’engraisse comme celle des victimes !

Prostituez, mais frémissez d’épouvante ! car vous avez des femmes et des filles !

J’ai été femme, j’ai été mère, et la société m’a broyé le cœur.