Page:Tristan - Nécessité de faire un bon accueil aux femmes étrangères, 1835.pdf/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 10 —

nés pour planer dans les airs, que le soleil aux plantes qui croissent sur la terre ; mais cet ami rêvé si souvent ne se montre nulle part ; et si parfois l’ombre leur en apparaît, elle leur échappe aussi vite qu’un brillant météore dans une nuit d’été. Oh ! alors la douleur déborde dans leur cœur, comme un torrent à la fonte des neiges. Où pourront-elles rencontrer un être capable de les comprendre, auquel elles puissent se confier entièrement, et trouver un peu de calme en laissant un libre essor à leur douleur ? Pourront-elles s’adresser à un étranger pris au hasard ? Mais ne frémissez-vous pas à ce mot, au hasard, dans un cloaque immense comme une grande ville ! Eh bien ! nous supposons qu’après mille craintes, mille anxiétés des plus cruelles, elles aient assez de courage ou de désespoir pour risquer tout leur avenir au hasard ; nous le demandons, où rencontreront-elles cet étranger ? Seules dans leur chambre, elles ignorent ce qui se passe dans l’immense désert où elles sont venues se cacher ; de même que l’étranger qui passe dans la petite rue boueuse qu’elles habitent ignore aussi qu’il y a, au fond de la cour du petit hôtel qu’il a devant lui, une jeune fille, une jeune femme, peut-être sa compatriote, qui a le plus grand besoin de son secours. De cette impossibilité de se rencontrer, pour les êtres nés les uns pour les autres ou qui ont besoin les uns des autres, naissent beaucoup de malheurs qui nous accablent dans l’état actuel de notre société. Oh ! chers compatriotes, vous qui habitez la maison bâtie par vos pères, vous qui jouissez de toutes les aisances de la vie, qui êtes entourés de votre famille, de vos amis, de vos plaisirs, en un mot de tout ce qui peut faire le bonheur de la vie, jetez, de grace, un coup-d’œil de compassion et de pitié sur les êtres qui respirent comme vous, qui sentent comme vous, mais qui souffrent mille fois plus que vous ! Vous qui ne savez pas ce que c’est que d’avoir quitté la terre natale, n’avez-vous donc jamais songé qu’il y avait de vos compatriotes, de vos amis peut-être, qui se trouvaient étrangers sur un sol éloigné, dont le climat les rendait malades, dont les habitudes, étranges pour eux, les irritaient à chaque instant, et enfin dont le langage leur était inconnu, ce qui les privait de toute ressource et de toute consolation ? Oh ! nos frères, cela est affreux ! cela vous glace le cœur de crainte et d’effroi ! Ah !