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L’ouvrier français, cet être à part, trouve dans sa force morale un de ces courages qui n’ont pas encore reçu de nom ; mais que plus tard on nommera de courage de prolétaire. — Armé de ce courage sans nom, il brave impunément les fatigues d’un travail de quatorze et seize heures par jour ; les privations de toute espèce, les souffrances et les douleurs de toute nature. Il est de fer et résiste à tout. — Il fait plus, il est gai !… c’est un farceur qui plaisante, rit de ses propres misères, et chante pour se distraire. — Mais il y a dans l’existence de l’ouvrier français trois malheurs contre lesquels sa gaîté et sa philosophie viennent échouer : — Le bureau de charité, — l’hospice et le dépôt de mendicité.

Faire inscrire son nom et sa demeure pour avoir un pain et un cottret… envoyer sa femme ou sa fille crever à l’hospice…, et son vieux père au dépôt de mendicité… Ah ! si l’ouvrier est contraint de subir cette humiliation… c’en est fait ! Son courage l’abandonne entièrement, en proie au désespoir, il pleure… ou il rugit !…

L’ouvrier français peut souffrir, mais il ne peut mendier. Il y a en lui un orgueil né qui s’y oppose. Il veut bien consentir à ployer sous le poids de la tâche énorme qu’on lui impose, pourvu qu’il puisse porter la tête haute. L’humiliation le démoralise, lui ôte ses forces, le tue ! — Pour l’ouvrier français il y a une épée de Damoclès, menaçante et terrible : le bureau d’aumône, l’hospice, le dépôt de mendicité.

En venant démontrer aux ouvriers, par un calcul bien simple (leur nombre), qu’ils possédaient en eux une richesse immense, qu’ils pouvaient, s’ils veulent s’unir, faire, avec leurs liards, des millions, puis des millions ! qu’une fois en possession de ces richesses, ils pourraient faire bâtir, pour eux, de